Notre parole

 

CHOIX DE TEXTES: CUISINES, ALIMENTATION & NUTRITION

 




Photo LMEA Léa aux raisins, Québec 2012

 

 

ALIMENTATION DU NOUVEAU-NÉ

Le calendrier alimentaire des nourrissons: la liberté, enfin!

2016

 

Par Jean-Francois Chicoine

Le monde est ailleurs, Québec, Canada, 12 février 2016

 

La liberté, enfin!

 

Des questions des parents cette semaine sur l’introduction des aliments solides chez leur bébé…Le moins que l’on puisse dire, c’est que les recommandations nouvelles sont plutôt libertariennes.

 

Tant mieux. Des années que les dictats alimentaires d’un pays ou d’un autre allaient dans un sens comme dans l’autre. Les parents vont pouvoir jeter leur dévolu sur d’autres enjeux. La science donne du lousse. Dès fois….

 

Dans les faits, les bébés sont prêts à manger entre quatre et six mois. Attendre jusqu’à 7 mois pour des aliments solides, ou les débuter déjà à 3 mois, ça reste de mauvaises idées.

 

Vers 4 mois, le tube digestif du bébé est enfin assez mature pour accueillir autre chose que du lait. Les reins ont gagné en efficience. La très grande majorité des bébés contrôle mieux la tête. Évidemment, avant leurs 6 ou 7 mois, les nourrissons ont encore besoin de support pour bien se trouver en position assise, alors il faut y voir, les lover bien droit, encourager les purées lisses par exemple, plutôt que les morceaux, sans pour autant trop tarder par la suite avec les aliments texturés.

 

Ce que j’appelle la grossesse extra-utérine se termine vers 3 ou 4 mois. À cet âge, l’enfant émerge de son océan intérieur, le bébé est en contact majoré avec son environnement proche. Il fait mieux connaitre ses besoins à sa mère, à son père et à son entourage. Quand il ouvre la bouche devant une cuillère, il indique au fond qu’il est prêt à s’essayer avec autre chose que du lait, maternel ou en préparation lactée pour nourrisson.

 

Dans les faits, c’est bien commode d’allaiter exclusivement jusqu’à 6 mois et ça tient encore merveilleusement bien la route pour la santé du bébé à condition que la maman allaitante s’alimente bien. Dès l’âge de 5 à 6 mois, même le bébé allaité pourrait avoir besoin d’un peu plus de fer. À 6-7 mois, très certainement, le lait de mère étant une source insuffisante de fer.

 

En pratique donc, c’est vers 5 mois que l’on a avantage à initier bébé aux solides, comme deux fois par jour. Évidemment, on va privilégier les aliments riches en fer au départ, comme les céréales enrichies et même la viande, déjà oui. Le fait d’introduire viandes, poissons, aussi les œufs, les légumineuses, le tofu avant l’ensemble des fruits et légumes peut sembler surprenant, mais est tout à fait sensé quand on tient compte des besoins réels de l’enfant.

 

Les légumes ont avantage à suivre, et vite. Les bébés les apprécient moins facilement que les fruits. L’idée est d’exposer l’enfant à un maximum d’aliments avant ses 5 à 9 mois. Avant ces âges, les nourrissons expriment moins de dégouts, sont ouverts à une grande gamme de goûts, certaines de leurs fonctions gustatives ne se concrétisant que vers 7 ou 8 mois, le gout du sel par exemple.

 

Ainsi, les nouvelles sont bonnes : nous assisterons possiblement à une génération de bébés moins capricieux. Mal élevés, peut –être, toujours scotchés à leur écran, mais ça ce dont d’autres problématiques.

 

Un aliment nouveau à la fois pour pister d’éventuelles allergies, mais, nouveauté d’envergure, sans craindre pour le développement d’allergies éventuelles. Fini le temps ou le banc d’œuf, le poisson, les fruits de mer, le beurre d’arachide lisse se devaient d’être relayé des années plus tard. Au contraire, les chercheurs se sont aperçus qu’en ayant peur d’avoir peur et en privant le bébé d’aventures alimentaires, on n’enrayant pas son risque de développer des allergies. C’est une libération de taille pour les parents, et des jalons pour l'amour du poisson.

 

Évidemment, dans les familles bourrées d’allergies alimentaires, on redoublera de prudence, mais sans s’empêcher de devancer le calendrier alimentaire classique.

 

Quand le bébé n’a pas la chance d’etre allaité, les préparations lactées pour nourrisson s’imposent jusqu’à 9 mois. Les avantages de donner des préparations commerciales au-delà de l’âge de 9 mois ne sont pas démontrés. À cet age, du lait de vache 3,25 % ou, préférence des familles, du lait de chèvre ENRICHI va convenir, en tant qu’aliment parmi toute une gamme d’autres, une fois la nourriture solide bien ingurgitée.

 

C’est à cet age aussi, vers 8 ou 9 mois, où tous les laitages, yogourt, ricotta, quartz, fromage banc, fromages tout court vont prendre en importance. Beaucoup moins intéressantes que le lait de vache ou de chèvre (ou de yak tant qu’à faire culturellement complet!), les boissons de soya enrichies peuvent apporter leur lot de protéines. Les boissons de riz, de coco ou d’amandes, hormis les suppléments qu’elles véhiculent, ont l’effet du jus, et ne pourraient participer au menu qu’en présence d’une alimentation déjà variée.

 

Les bébés prématurés, de petit poids de naissance, les nourrissons avec des retards développementaux, les enfants abandonnés échappent au modèle chronologique précédent. Pour eux, il faut inventer, à partir de leurs données propres ou du sens commun.

 

Le sens commun à table dans un monde en train de virer fou avec l’alimentation.

 

Le sens commun, comme une nouvelle gastronomie.

 

 

ALIMENTATION DU NOUVEAU-NÉ

L'estomac du bébé

2014

 

Par Jean-Francois chicoine, pédiatre

Le monde est ailleurs, www.lemondeestailleurs.com

4 aout 2014

 

 

Du lait, mais combien?

 

Avec un bébé allaité, on y va en termes de durée : au moins quinze minutes par sein, selon la demande du bébé. C’est sa nature qui gère la quantité. Entre l’installation, le rot, le changement de couche, c’est long, mais c’est facile (pas toujours, j’entends les protestations!).

 

Mais avec un bébé au biberon, c’est décidément un peu plus compliqué en termes de prévision, ses parents doivent s’intéresser au nombre de millilitres à lui proposer.

 

Leur dire de prendre ça cool, de faire confiance au bébé, d’y aller d’un peu d’approximation leur parait insuffisant, croyez-moi. Ce sont les mathématiques qui les calment. L’esprit cartésien les distance de leur trop-plein d’émotions.

 

Afin de les aider dans leurs calculs, je me sers donc d’une petite formule sympathique découverte dans un livre de pédiatrie des années 1970.

 

Au départ, il faut savoir que la grosseur de l’estomac d’un bébé est à peu près celle de son poignet, sauf si on tient compte de l’expansion possible de la poche gastrique après un repas de glouton. Ainsi, chez un bébé à terme, l’estomac contiendrait facilement jusqu’à 60 ml, 3 onces. À 10 jours de vie, déjà beaucoup plus.

 

Mais combien plus?

 

3 % du poids du bébé révèle la formule, applicable jusqu’à 6 mois de vie environ. Quelques jours après la naissance, un bébé de 3.5 kilos pourrait donc boire son 3 % de 3500 g faisant 95 ml, donc autour de 100 ml en un quart d’heure. Et ainsi de suite, en augmentant pour la suite.

 

Exaspérés par ce calcul?

 

Les nuls en maths peuvent oublier tout ce qui précède et s’en sortir autrement en prévoyant la quantité de préparation lactée nécessaire aux boires avec une allégorie alimentaire. On retrouve cette analogie ringarde dans tous les livrets sur l’alimentation des bébés : à deux jours de vie, l’estomac, c’est comme une cerise, à 4 jours, c’est la grosseur d’une noix, à 6 jours, d’un abricot, et enfin, à deux semaines de vie, c’est la taille d’un œuf.

 

Exaspérés par ces parallèles?

 

Alors, allaitez, c’est plus relax.

 

BIBLIOGRAPHIE

MacKeith, R.  & Wood, C. In Infant Feeding and Feeding Difficulties E. London, Churchill Livingstone, 1971, p.20 cité par Mc Millan J.A., Nieburg P.I. & Oski F.A. The whole pediatrician catalog, Saunders, 1977

WEB

www.meilleurdepart.org

 


CONDUITE ALIMENTAIRE

Les troubles de la conduite alimentaire à début précoce

2008

 

Par Olivier Jamoulle, pédiatre

CHU Sainte-Justine, Montréal, Québec, Canada

Avec Le monde est ailleurs

 

Dernière révision : 25 janvier 2008

Extrait de wwwservicevie.com/Transcontinental

 

Depuis plusieurs années, les médecins ont l’impression d’être de plus en plus souvent confrontés à des enfants de moins de 12 ans qui s’engagent dans des conduites alimentaires restrictives inadéquates. Selon une étude ontarienne menée dans les écoles auprès des enfants de 10 à 12 ans, près de 30% des filles se trouveraient trop grosses et essaieraient de maigrir !

 

Pendant deux ans la société canadienne de pédiatrie a mené une enquête sur les troubles de la conduite alimentaire auprès des pédiatres du Canada. Les principaux résultats ont révélé 160 cas de trouble alimentaire à début précoce chez des enfants de moins de 12 ans. Parmi eux, il y avait 7 filles pour un garçon. La perte moyenne de poids était de 7.4 kg et près de la moitié de ces patients ont dû être hospitalisés. On le voit tout de suite, cette condition médicale peut être sévère.

 

La classification actuelle des troubles alimentaires à début précoce (qui se manifestent avant l’âge de 12 ans) comprend quatre groupes.

 

L’anorexie mentale précoce

Dans le premier groupe, on retrouve l’anorexie mentale précoce. Les enfants souffrant de ce trouble présentent une perception anormale de leur image corporelle et de leur poids. Un refus déterminé de perdre du poids est présent. L’alimentation est très perturbée et toujours en quantité insuffisante. Bien que plus rares qu’à l’adolescence, certains de ces jeunes vont jusqu’à se faire vomir. Par contre, l’absence de menstruation, conséquence qu’on observe souvent chez les adolescentes anorexiques, n’est pas un critère diagnostique à retenir dans le cas présent, où il est question d’enfants qui n’ont pas encore franchi le seuil de la puberté. 

 

Dans la moitié des cas, on constate de l’hyperactivité physique dont l’intensité est impressionnante et difficile à arrêter. Certaines patientes peuvent aller jusqu’au refus de s’asseoir, de peur de prendre du poids. Cette peur démesurée est ravageuse. Tout est centré sur le désir intense de perdre du poids : calcul des calories, pesées répétitives, c’est une obsession de tous les instants. Dans un contexte de trouble anxieux associé, les manies ne sont pas rares : l’enfant se lave les mains à tout moment, par exemple. 

 

C’est le trouble alimentaire à début précoce le plus complexe et son pronostic peut susciter le plus d’inquiétudes. Il est causé par des facteurs multiples, mais des problématiques familiales, parfois anciennes, parfois récentes (séparation parentale, tensions) sont souvent retrouvées à l’histoire du malade. Dans ce trouble, il faut souvent s’attendre à une évolution longue, avec, tôt tard, un séjour à l’hôpital et des conséquences réelles sur le plan physique. Il ne faut pas oublier que l’enfant est encore en pleine croissance : l’anorexie ne pouvait pas tomber plus mal. 

 

Le trouble alimentaire sélectif

Un deuxième groupe est celui du trouble alimentaire sélectif où l’on retrouve les enfants sélectifs au niveau de leur alimentation (en anglais, on les appelle « picky eater »). L’enfant peut être sélectif depuis son plus jeune âge, où le devenir à la suite d’un évènement émotionnel, familial ou social. Le pronostic de ce trouble est meilleur et surtout, la croissance reste normale. Dans ces situations, on retrouve des parents parfois découragés et fort inquiets. Le pédiatre joue alors un rôle majeur dans le suivi de ces enfants en s’assurant que la croissance reste harmonieuse.

 

Le trouble mixte d’évitement alimentaire avec trouble affectif primaire

Dans le troisième groupe, on retrouve les enfants chez qui un trouble émotionnel (anxiété, humeur triste, dépression) est responsable de l’évitement alimentaire. Le poids n’est pas une préoccupation, mais l’évitement alimentaire est constant. Même en voulant prendre du poids, ces enfants n’arrivent pas à combler leurs besoins caloriques quotidiens.

 

La résolution de cette difficulté alimentaire passe par la prise en charge psychologique.

 

Le trouble de déglutition fonctionnel

Dans ce quatrième groupe, les enfants présentent une anxiété démesurée, développant, par exemple, la hantise de s’étouffer en avalant de la nourriture, ou bien la crainte d’être malade en mangeant ou encore une peur intense de vomir. À l’histoire médicale, il est fréquent d’apprendre que l’enfant a déjà eu une expérience désagréable en lien avec sa peur.

 

Amanda fait partie de ce groupe. À 9 ans, elle a contracté une gastroentérite virale accompagnée de vomissements répétés et d’un abattement important. Elle n’avait jamais vomi avant et cette expérience lui a été très pénible. Elle croit que cette gastroentérite lui est venue d’une nourriture périmée… Depuis, elle fait attention à tout, elle se méfie d’un nombre grandissant d’aliments, au point de restreindre significativement ses apports quotidiens. Le poids se met à baisser…

 

Progressivement ou drastiquement, s’installe alors un comportement d’évitement alimentaire. Le rôle des parents et des intervenants est de rassurer l’enfant et de lui redonner confiance. Le pronostic est bon et la maladie ne dure jamais très longtemps.   

 

L’évitement alimentaire et la répercussion sur le poids

Ces quatre groupes ont au moins deux points en commun : l’évitement alimentaire et sa répercussion sur le poids (perte ou stagnation). Les troubles alimentaires à début précoce interpellent particulièrement le pédiatre pour les répercussions qu’ils peuvent avoir sur la croissance, dans cette période cruciale de la vie qui mène à la puberté. L’adulte qui point risque d’en souffrir les conséquences toute sa vie durant.

 

La prise en charge des ces problématiques alimentaires nécessite un suivi médical régulier et, dans bien des cas, une équipe multidisciplinaire. On vise bien sûr la reprise de bonnes habitudes alimentaires. Il est important que ces patientes puissent se libérer d’une difficulté majeure qui les empêche de s’épanouir et de se développer, physiquement et psychiquement.   

 

L’anorexie à début précoce est de loin l’entité la plus compliquée, la plus longue à suivre et au pronostic le plus incertain. Lorsque les patientes sont hospitalisées, il est souhaitable qu’elles se retrouvent dans la  bonne unité : il est faudrait  éviter, autant que possible, qu’elles soient en compagnie d’adolescentes anorexiques.

 

SOURCES

 

Katzman D, Morris A, Pinhas L. Rapport du programme canadien de surveillance pédiatrique, 2005, p46-48.The Hospital for Sick Children, Torontohttp://www.cps.ca/Francais/surveillance/pcsp/Etudes/2005Resultats.pdf

J.L Goëb et al. Food avoidance emotional disorder in 3 to 10 year old children: a clinical review. Archives de pédiatrie (12)2005; 1419-23,

 

LECTURE


Le Heuzey, MF, L’enfant anorexique. Comprendre et agir. Édition Odile Jacob


ASSOCIATION

 

Aneb (Organisme à but non lucratif dont la mission est d’assister les personnes prises avec un trouble alimentaire) Organisme d’avantage orienté vers les adolescents et les adultes. Ligne d’écoute. www.anebquebec.com 

 

 

GASTRONOMIE

Création culinaire: sciences exactes et plaisirs précis

2008

 

Par Annie Marquez, nutritionniste

Montréal, Québec, Canada

Avec Le monde est ailleurs

 

Dernière révision : 24 janvier 2008

Extrait de www.servicesvie.com/transcontinental

 

La racine du mot cuisine, c’est « cuire » : c’est donc avec la maîtrise du feu, dont les plus anciennes preuves datent de 800 siècles, que naît l’art d’apprêter les aliments.  Un art qui  flirte de plus en plus avec la science : chacune sur sa planète, la haute cuisine et l’industrie agitent leurs fioles… et font des étincelles ! 

 

Le restaurant réputé meilleur du monde ne fait guère dans le « bœuf mode » ou la « poularde à l’angevine » : il fait plutôt dans la gastronomie moléculaire. El Bulli est un restaurant de Barcelone où son chef Ferran Adrià pratique, entre autres, la sphérification de petit pois avec l'alginate de sodium, la sculpture de betterave, le traitement des textures par l'azote liquide et la momification avec de la barbe à papa. Cette réinvention de la nourriture n'a donc rien à voir avec la valeur nutritive de l'aliment mais permet un ravissement des yeux et de la langue. Allez voir les images sur le site d’El Bulli : on comprend que Ferran Adria est plus proche de Gaudi, son compatriote, que de Jehanne Benoît, la nôtre. Ceci dit avec tout le respect qui est dû à cette très grande dame de la cuisine. 

 

Les aliments fonctionnels

Plus proche de nous, la science moléculaire fait aussi son œuvre dans ce qu'on appelle les aliments fonctionnels, que les Français appelaient autrefois les « alicaments ».   Obsédée par la santé de ses clients, l’industrie cherche sans cesse à améliorer la qualité nutritive de ses produits : elle verse de l’huile de poisson dans les yogourts, elle assaisonne les céréales à déjeuner de capsules de bactéries probiotiques, et pour ceux qui ont égaré leur couteau à éplucher les fruits, elle ajoute des fibres au jus d’orange. 

 

Après tout, Kraft et El Bulli font tous deux dans la peinture : l’un signe « Polymère de Sico », l’autre, « Polydore de  Caravage ». L’un fait du Miracle Whip Calorie Wise, l’autre, des « lacets de betterave à la poudre de vinaigre ». 

 

Nécessité est mère de tous les vices

Entre plaisir gastronomique et aliment fonctionnel, encore faut-il savoir doser.  L’histoire de l’évolution de notre espèce est toute marquée par ces deux instincts : celui de la conservation et celui du plaisir, le second ayant largement contribué au succès du premier. En effet, la recherche du plaisir gourmand a donné une impulsion fondamentale à l’homo sapiens. En domestiquant le feu, nos ancêtres ont révolutionné la sapidité des aliments et inventé la cuisine. La cuisson a augmenté l'absorption des amidons (igname) et a enrichi les saveurs. Ainsi est née la gastronomie et avec elle, croit-on, le développement spectaculaire du cerveau, qui a permis à la moins adaptée des créatures naturelles de dominer la nature.   Voir, goûter, sentir, toucher et entendre, les deux hémisphères cérébraux, sièges des sens, entrent en jeu lorsque l'on mange. Voilà pourquoi les grands chefs tentent de réinventer la nourriture pour surprendre nos sens. Ils veulent nous rendre plus intelligents. 

 

Mangeur attablé, cerveau survolté

À la vue d’un aliment, notre cerveau reçoit un signal qu’il traite aussitôt : dans sa mémoire, il en cherche la référence, positive ou négative.  Si la référence est positive, l'aliment est consommé et mastiqué. Les saveurs sont détectées par les papilles gustatives qui transmettent d’autres messages au cerveau : l'aliment sucré sera tout de suite accepté alors qu'on y pensera deux fois avant d'avaler un aliment amer. Nous avons un goût inné pour le sucre, source d'énergie préférée du cerveau, et un réflexe archaïque de rejet des toxines amères. Des molécules volatiles sont aussi libérées et remontent dans la cavité nasale jusqu'au bulbe olfactif. Grâce à l'odorat, la perception des arômes s’ajoute à l'appréciation de l'aliment. Les muscles de la mastication émettent des vibrations, messages auditifs qui renseignent aussi sur la texture et la qualité de l'aliment.  Grâce au feu, l’humain a appris à manger, et tous ses sens en ont été grandis.  Sacré feu ! 

 

Ad majorem cerebellum gloriam

Avec son intelligence, l’humain a appris discerner l'aliment santé de l'aliment trop gras ou trop sucré. Il a ensuite engendré les grands chefs, qui savent maintenant pénétrer l’aliment jusque dans ses plus intimes retranchements moléculaires, afin d’en extraire le maximum de sensations, au plus grand profit du cerveau. La gastronomie moléculaire est-elle en train d’engendrer une nouvelle forme supérieure d’intelligence ? 

 

Pour des raisons économiques évidentes, on ne peut pas manger chez El Bulli  trois fois par jour.  Une fois dans une vie suffit sans doute pour la marquer à jamais.  Pour les 79 999 autres repas qu’il faudra bien prendre dans sa vie, on peut toujours se rabattre sur  les oméga-3 du yogourt au foie de morue. Ça devrait nous rendre assez intelligents pour consulter et comprendre le guide alimentaire canadien.

 

SOURCES

 

Testard-Vaillant P. - Le sacre de la cuisine expérimentale - Science & Vie, No 238, mars 2007 pp 22-29.

Monnier E. - Ce que manger veut dire -  Science & Vie, No 238, mars 2007 pp 38-48.

 

 

SÉCURITÉ ALIMENTAIRE

Moisissures et date de péremption: bon même si passé date ?

2008

 

Par Stéphanie Côté, M.Sc., nutritionniste

Montréal, Québec, Canada

Avec Le monde est ailleurs

 

Dernière révision : 21 novembre 2007

Extrait de www.servicesvie.com/transcontinental

 

Je vis seul et pour que mon alimentation soit variée, j'achète souvent plus de nourriture que ce que je mange chaque semaine. Je ne veux pas m'intoxiquer, alors je jette tout ce dont je ne suis pas certain : yogourt « passé date », fromage avec un peu de moisissure, etc. Est-ce la bonne chose à faire ? Merci de me rassurer, M.-A., Trois-Rivières

 

Face aux bactéries responsables des intoxications alimentaires, les adultes en santé sont plus résistants que les personnes âgées, les jeunes enfants et les personnes malades. Mais cela ne donne pas le feu vert, M.-A., pour prendre des risques inutiles !

 

Meilleur avant 

Un yogourt peut être mangé sans risque quelques jours après sa date de péremption, surtout si le contenant est intact ou ouvert depuis peu. La date « meilleur avant » garantit que sa fraîcheur, sa saveur, sa texture et ses propriétés nutritives sont meilleures avant la date limite suggérée. Après cette date, l’aliment peut être encore sain et propre à la consommation s'il a été manipulé et conservé adéquatement. En d’autres mots, si on se sert une portion et qu'on ne mange pas à même le pot, si on utilise une cuillère propre et qu'on replace le contenant au réfrigérateur après utilisation, il n’y a pas trop de risque.  Cela dit, il convient tout de même de le consommer le plus rapidement possible si la date « meilleur avant » est passée,  à cause de la diminution probable des qualités de l’aliment.

 

Le regretté Pierre Labelle, dans un numéro d’humoriste, se demandait d’ailleurs ce qui se passait dans la « can » de petit pois dans la nuit du 3 mai au 4 mai, le lendemain du « best before »… C’était très drôle.

 

Du bleu sur le fromage pas bleu

Les moisissures blanches, bleues ou vertes qui apparaissent sur certains fromages après quelques jours ou semaines de conservation ne sont pas comestibles. Elles n'ont rien à voir avec les moisissures que les fromagers cultivent pour fabriquer les fromages à croûte fleurie comme le brie et le camembert. Au contraire, elles les détériorent. Leur présence n'oblige toutefois pas toujours à jeter le fromage. C’est le cas des fromages à pâte dure ou ferme (cheddar, mozzarella, parmesan, etc.) : s’ils sont moisis, retirez la moisissure en coupant environ 1 cm en profondeur sur toute la surface affectée. Enveloppez le fromage qui reste dans un nouvel emballage. Mais si de la moisissure apparaît sur un fromage frais, à pâte molle ou préparé (cottage, feta, brie, camembert, etc.),  jetez tout le fromage, car on ne peut pas savoir à quel point la moisissure a pénétré leur texture humide. Si vous trouvez du moisi dans le pot de cheez whiz®, gardez-le en souvenir : il a probablement été acheté par votre arrière-grand-mère, avant son mariage en 1923.      

 

Du mauvais bleu sur du bon fromage bleu  

Les délicieux fromages bleus dans lesquels on cultive des moisissures particulières ont aussi une durée de vie limitée, mais la moisissure qui y est normalement présente se confond avec celle, indésirable, qui s’y développe quand il perd sa fraîcheur.  Pour savoir si un roquefort, un gorgonzola ou un bleu d’Auvergne est encore bon, on se ferme les yeux et on le renifle.  S’il sent l’ammoniaque, c’est que son bleu n’est pas aussi rose qu’il y paraît. 

 

Garder ses fromages sans embêter ses voisins

Pour prévenir la formation de moisissure sur le fromage, gardez-le au réfrigérateur dans son emballage original, sauf s'il s'agit d'une pellicule plastique, car elle retient l'humidité. Un emballage à double papier comme pour la plupart des fromages à croûte fleurie est idéal. Vous pouvez aussi l'envelopper de papier d'aluminium, puisqu'il laisse rentrer un peu d'air tout en constituant une barrière efficace contre les odeurs.

 

SOURCES

 

Partenariat canadien pour la salubrité des aliments. Mme BienCuit vous répond. Foire aux questions - produits laitiers, www.canfightbac.org/cpcfse/fr/cookwell/ask/dairy/#78

 

Collection Protégez-Vous. Guide pratique de l'alimentation - Bien acheter pour mieux manger, Éditions Protégez-Vous, 2004, 136 pages.

 


ALIMENTATION

Graines de lin ? Mets-en !

2007

 

Par Hélène Laurendeau, M.Sc., nutritionniste

Montréal, Québec, Canada

Avec Le monde est ailleurs

 

Derniere révision: 15novembre 2007

Extrait de www.servicesvie.com/transcontinental

 

 

Le Canada est le plus grand producteur et exportateur de lin au monde. La petite graine a du succès et des mérites pour la santé. Mais encore faut-il  savoir la choisir, la broyer et la conserver…

 

Dans les années 1940, mon grand-père Thomas-Eugène Boivin, qui était agronome, travaillait dans une linerie québécoise. Ma grand-mère Émilia, elle, prenait des graines de lin entières pour sa régularité. C’était efficace pour ses intestins... mais pas suffisant pour en retirer tous les bénéfices. Il faut savoir que la graine de lin entière « passe tout droit » comme on dit, car son enveloppe extérieure résiste aux enzymes digestives. Pour profiter des bons oméga-3 qui s’y cachent, il faut donc consommer les graines de lin moulues.

 

Pousse l’ananas et moud… le lin

L’idéal est d’acheter vos graines entières et de les moudre au fur et à mesure à l’aide d’un moulin à café ou à épices ou même d’un mortier. On trouve aussi dans les cuisineries un petit moulin manuel (style moulin à poivre), spécialement conçu pour les graines de lin. Une fois moulues, les graines de lin se conservent au réfrigérateur environ un mois, dans un contenant opaque et hermétique. Entières, les graines de lin se gardent un an à température ambiante.

 

La farine de lin

Pour plus de commodité, plusieurs personnes préfèrent acheter des graines de lin déjà moulues, parfois vendues sous l’appellation de farine de lin. Toutefois, comme les graines de lin contiennent beaucoup d’huile principalement sous forme insaturée, elles peuvent vite s’oxyder au contact de l’air et de la lumière, et donc devenir rances une fois moulues. D’après le Dr Linda Malcomson, de l’Institut international du Canada pour le grain, il n’y a pas de problème à acheter les graines de lin déjà moulues à condition qu’elles soient vendues en petites quantités dans un sac étanche, facilement refermable. Une fois ouvert, il faut prendre soin d’enlever le plus d’air possible du sac pour retarder l’oxydation. Il est préférable de ranger les graines de lin moulues au réfrigérateur ou mieux, au congélateur pour éviter qu’elles ne deviennent rances.

 

Comment savoir si vos graines de lin moulues sont encore bonnes à manger ?  Fiez-vous à votre nez : si elles sont devenues rances, une odeur forte et désagréable se dégagera du sac. Croyez-moi, vous ne voudrez pas en manger…

 

Stable à la cuisson

Selon les tests menés par la Commission canadienne des grains, le lin reste stable à la cuisson. La teneur en oméga-3 d’un mélange à muffin contenant 28% de lin moulu demeurait inchangée après une cuisson à 180°C (350°F) pendant deux heures. Après deux heures de cuisson à 180°C (350°F), les muffins étaient cependant immangeables : sacrifiés sur l’autel de la science, mais carbonisés pour une bonne cause.     

 

Lin brun ou doré ?

En magasin, on trouve des graines de lin de deux couleurs. Les graines de couleur marron légèrement rougeâtre sont les plus populaires au Canada, tandis que celles de couleur dorée appartiennent à une variété cultivée aux États-Unis et se vendent un peu plus chères que les brunes. Selon le Dr Scott Duguid, sélectionneur de lin à la Station de recherche d’Agriculture et Agro-alimentaire Canada au Manitoba, il n’y a pas de différence significative entre les deux variétés. Même si l’enveloppe extérieure du lin doré est un peu plus mince que celle du lin brun, cela n’affecte pas vraiment son contenu nutritionnel ou en fibres. À vous donc d’opter pour la couleur qui vous plaît.

 

Combien de lin par jour ?

Commencez par ajouter 5 ml (1 c. à thé) par jour et augmentez graduellement jusqu’à 30 ml (2 c. à soupe). Saupoudrez la graine de lin moulue sur du yogourt ou de la compote de fruits. Mélangez-en une petite cuillerée à votre jus matinal ou à votre boisson fouettée. Ajoutez-en à vos céréales chaudes ou froides. Mettez-en dans vos salades. Ou encore incorporez un peu de graine de lin moulue à de la chapelure pour paner un filet de poisson ou de poulet. Opération camouflage garantie et en prime, c’est délicieux !

 

SOURCE

 

Flax Council of Canada : www.flaxcouncil.ca

 

LECTURE

 

200 recettes Oméga-3, par Louise Rivard avec l'étroite collaboration du Dre Louise D'Aoust, MD, Modus Vivendi, 2007 ISBN -13 978-2-89523-469-2

 

Vous hésitez encore à cuisiner un repas de poisson ? Vous manquez d'idées pour apprêter la graine de lin ou de citrouille, les noix et les fèves de soya ? Voici 200 recettes pour vous inspirer. L'auteure, diplômée en agronomie, s'est associée à une gastroentérologue également diplômée en nutrition pour explorer l'univers des oméga-3 et les différentes façons de manger ces bons gras essentiels.

 


ALLERGIES ALIMENTAIRES

Allergies alimentaires en milieu scolaire: la loi de Sabrina

2007

 

Par Marie-Josée Bettez, avocate, auteure et conférencière   

Québec, Canada

Avec Le monde est ailleurs

 

Dernière révision : 21 novembre 2007

Extrait de www.servicesvie.com/transcontinental

 


Classées au 4ème rang des problèmes de santé publique par l'Organisation Mondiale de la Santé, les allergies alimentaires se multiplient. On peut en souffrir à tout âge mais les enfants et les adolescents sont atteints de cette pathologie potentiellement mortelle dans une plus large proportion. Une situation qui pose un véritable défi au réseau scolaire.

 

Elle était volubile, pétillante, toujours prête à rire. Son visage, qui avait conservé les rondeurs de l’enfance, était criblé de tâches de rousseur. Elle aimait la danse, les livres de Harry Potter et collectionnait les cartes de magie. Elle s’appelait Sabrina Shannon.

 

Sabrina : une histoire vraie

Le matin du 29 septembre 2003, Sabrina s’apprêtait à quitter la maison familiale pour se rendre à l’école secondaire qu’elle fréquentait en Ontario. Repoussant le sandwich que sa mère lui avait préparé pour son repas du midi, elle déclara qu’elle voulait manger, pour une fois, à la cantine de l’école. Sa mère, inquiète, protesta. Sabrina, en effet, était sévèrement allergique aux arachides, au soya et aux produits laitiers. De plus, elle était asthmatique, ce qui constitue un facteur aggravant en cas de réaction allergique. Dans ces conditions, manger des mets préparés ailleurs qu’à la maison était clairement risqué.

 

Mais Sabrina était convaincante. Les risques, elle les connaissait. Elle avait toujours fait preuve d’une grande vigilance à cet égard et s’était d’ailleurs déjà assurée auprès du personnel de la cafétéria que les frites qu’elle désirait manger convenaient à son régime alimentaire limité. La mère de la jeune fille céda.

 

Réaction fatale

À l’heure du midi, Sabrina engloutit les frites convoitées, après avoir posé quelques questions sur l’huile utilisée pour la cuisson (elle voulait être certaine qu’il ne s’agissait pas d’huile d’arachide). La réaction débuta quelques minutes plus tard, un peu avant le début de la première classe de l’après-midi. Sabrina, dont la respiration était devenue sifflante, lança à son enseignante : « Je crois que je fais une crise d’asthme ». L’enseignante lui demanda de se rendre au bureau de la direction en compagnie d’une élève. Ce bureau était situé à l’autre extrémité du bâtiment et lorsque Sabrina l’atteignit enfin, elle éprouvait d’importantes difficultés respiratoires et était en proie à la panique. L’auto-injecteur d’adrénaline qui aurait pu lui sauver la vie se trouvait dans son casier. Sabrina l’avait porté pendant des années dans une pochette rouge attachée à sa taille, mais avait cessé de le faire après avoir été en butte aux moqueries d’autres étudiants.

 

On appela une ambulance. La réaction progressait rapidement et deux minutes après son arrivée dans le bureau de la direction de l’école, Sabrina perdit conscience. Quelques instants plus tard, la titulaire de la jeune fille accourut avec l’auto-injecteur de cette dernière et une dose d’adrénaline lui fut administrée. Mais il était trop tard.

 

Sabrina ne reprit jamais conscience et mourut le lendemain. Elle n’avait que 13 ans.

 

Un fléau mondial

Depuis quelques années, on constate une augmentation marquée des cas d’allergies alimentaires dans les pays industrialisés. Ainsi, en Amérique du Nord, on estime que 4% de la population a des réactions allergiques à divers degrés reliées aux aliments. La proportion des enfants et des adolescents touchés est encore plus élevée avec une prévalence atteignant jusqu’à 6%.

 

Les symptômes associés aux allergies alimentaires sont extrêmement variables et tout à fait imprévisibles. Parfois légers, il arrive qu’ils évoluent vers une réaction généralisée (l’anaphylaxie) qui, en l’absence de traitement, peut être fatale. L’ingestion d’une infime quantité d’un aliment peut entraîner chez une personne allergique une réaction grave. C’est apparemment ce qui est arrivé dans le cas de Sabrina. Le coroner en chef qui a présidé l’enquête menée suite au décès de la jeune fille,  Dr. Andrew McCallum, croit en effet que les frites servies à cette dernière ont été contaminées par un ustensile qui avait au préalable été en contact avec un plat contenant du fromage.

 

En mémoire de Sabrina

Dans le cadre d’une conférence de presse tenue presque un an après le décès de Sabrina, Dr McCallum a insisté sur le fait que des mesures devaient être prises dans les écoles ontariennes afin que les élèves souffrant d’allergies alimentaires soient mieux protégés. Ses recommandations de même que les pressions exercées par Sara Shannon, la mère de Sabrina, et divers groupes de patients ont contribué à l’adoption et à l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2006, de la Loi visant à protéger les élèves anaphylactiques.

 

Communément appelée Loi de Sabrina, celle-ci exige que tous les conseils scolaires de la province élaborent une politique relative à l’anaphylaxie. Cette politique doit notamment comprendre une formation régulière sur la façon de faire face aux allergies potentiellement mortelles et l’obligation d’élaborer un plan individuel pour chaque élève qui souffre d’une pareille allergie. Ce plan doit prévoir, entre autres choses, les stratégies de prévention, le traitement approprié, les mesures d’urgence à mettre en place et l’entreposage des auto-injecteurs d’épinéphrine (EpiPen ou Twinject).

 

Première initiative du genre en Amérique du Nord, la Loi de Sabrina a incité d’autres provinces canadiennes à mettre au point leurs propres politiques en la matière. C’est le cas du Nouveau-Brunswick, de l’Île-du-Prince-Édouard et de la Colombie-Britannique. Des politiques semblables sont à l’étude dans certains états américains et, en Australie, un coroner a recommandé l’adoption d’une loi similaire à celle de l’Ontario.

 

Une approche globale pour les petits allergiques

Les décès liés à l’anaphylaxie alimentaire sont peu fréquents. Néanmoins, nombre de parents d’enfants souffrant d’allergies alimentaires craignent que leurs petits ne partagent le destin tragique de Sabrina Shannon.

 

J’en sais quelque chose. Christophe, mon fils, mon amour, est sévèrement allergique à plusieurs aliments.

 

Depuis le début de sa scolarité au Québec, son père et moi rencontrons à chaque rentrée la directrice de l’école, l’enseignante, la responsable du service de garde, l’éducatrice et l’infirmière scolaire pour discuter des mesures à mettre en place afin d’assurer la sécurité de notre fils et son intégration complète. Tout y passe : la prévention, les récompenses alimentaires, les activités spéciales, l’entreposage des auto-injecteurs, les mesures d’urgence applicables, etc. Un processus exigeant mais absolument nécessaire.

 

L’approche de l’Ontario n’a pas encore été suivie au Québec. La gestion des allergies alimentaires dans les établissements scolaires primaires et secondaires est, en effet, décentralisée. Ce sont les commissions scolaires, de concert avec les centres de santé et de services sociaux, qui élaborent les protocoles d’intervention applicables dans les écoles de leurs territoires. Le système ne fonctionne pas mal dans l’ensemble mais, étant donné l’importance de l’enjeu, ce manque de cohérence dans l’ensemble du réseau est dénoncé par un nombre grandissant de parents d’enfants allergiques. 

 

Bien sûr, l’adoption d’une politique globale en matière d’anaphylaxie n’est pas une panacée. Néanmoins, elle a l’avantage d’envoyer un message clair et cohérent à tous les intervenants du réseau scolaire du territoire couvert ainsi qu’à la population en général. Elle fournit en outre aux parents d’enfants allergiques un levier pour éviter certains dérapages et allège un peu leur tâche.

 

Un fardeau trop lourd ?

Je me souviens qu’un peu avant l’entrée de mon fils en maternelle en 2003, un journaliste bien connu au Québec avait écrit que les enfants souffrant d’allergies alimentaires sévères représentaient un fardeau trop grand pour le réseau scolaire et qu’ils devraient en être purement et simplement retirés.

 

Ce point de vue, j’en suis convaincue, est celui d’une toute petite minorité. Comment pourrait-il en être autrement ? Environ 53 000 élèves québécois souffrent d’allergie à un ou à plusieurs aliments. Les reléguer au statut de citoyens de seconde zone en leur interdisant la garderie, la pré maternelle, l’école (qui, faut-il le rappeler, n’est pas uniquement un lieu d’enseignement mais aussi un milieu de vie et de socialisation) pour des raisons de commodité générale n’est tout simplement pas une option.

 

Qu’on le veuille ou non, l’allergie alimentaire n’a plus rien d’un phénomène marginal. Elle est devenue un problème de santé publique qu’on ne peut nier et un défi que notre société, dans son ensemble, se doit de relever. Pour le mieux-être de tous.

 

 

SOURCES

 

SAMPSON H.A. « Update on food allergy », Journal of Allergy and Clinical Immunology, vol. 113, no  5, 2004, p. 805-819.

 

L.O. 2005, CHAPITRE 7.

 

Ministère de l’Éducation, Santé et sécurité, politique 704.

 

Minister's directive no. MD 97-06, Procedures for Dealing with Life-Threatening Allergies.

 

Ministerial Order 232/07, September 13, 2007.

 

ASSOCIATION QUÉBÉCOISE DES ALLERGIES ALIMENTAIRES.  Allergies alimentaires : opportunités et enjeux pour l’industrie agro-alimentaire du Québec, Mémoire, Montréal, 2007, 30 p.

 

 

ALIMENTATION

Aliments probiotiques

Une armée de bactéries…pour notre salut?

2007

 

Par Stéphanie Côté, M.Sc., nutritionniste

Montréal, Québec, Canada

Avec Le monde est ailleurs

 

Dernière révision : 29 décembre 2007

Extrait de www.servicesvie.com/transcontinental

 

Ils se multiplient presque aussi vite que les bactéries! Les aliments probiotiques envahissent de plus en plus les rayons des supermarchés. Après le yogourt, le lait, les jus et les céréales, certains fromages et yogourts glacés s’arment aujourd’hui de super bactéries. Cette bataille rangée pour nous faire consommer des aliments soi-disant bénéfiques pour notre santé, l’industrie alimentaire va-t-elle bientôt la gagner?

 

Les probiotiques sont des bactéries. Mais pas n'importe lesquelles. Selon l'Organisation mondiale de la santé, ce sont «des microorganismes vivants qui, en quantité suffisante, procurent un bénéfice sur la santé de l'hôte ». Quels bénéfices, au juste, les hôtes bienveillants que nous sommes peuvent-ils tirer de cette nouvelle génération d’aliments protecteurs ?

 

De vaillants soldats

Les probiotiques ont de multiples habiletés. Ils peuvent :

Protéger la muqueuse intestinale et agir comme une barrière, en augmentant la production de mucus et d'anticorps ;

 

Empêcher ou freiner l'invasion de bactéries ou de virus indésirables, en étant simplement plus nombreux qu'eux ;

 

Tuer certaines bactéries en produisant des substances antibactériennes ;

 

Stimuler le système immunitaire lorsqu'il est affaibli ou le modérer quand il travaille trop, dans les cas d’allergies ou de maladies inflammatoires de l'intestin, par exemple ;

 

Dégrader certains produits cancérigènes ou en réduire la formation à partir d'autres substances ;

 

Contribuer à la digestion en sécrétant des enzymes.

 

À chacun son combat

On ne peut toutefois pas attribuer toutes ces vertus à tous les probiotiques. Sous ce terme générique, on désigne en effet des dizaines et des dizaines de variétés de souches bactériennes. Et toutes n'ont pas les mêmes aptitudes ni la même spécialité. Pour reprendre une analogie de Claude Champagne, chercheur à Agriculture et Agroalimentaire Canada : «C'est comme chez les humains. Nous ne sommes pas tous de bons coureurs, et encore moins tous des Bruni Surin!».

 

Pour affirmer qu'une souche bactérienne prévient et traite la diarrhée ou les infecctions urinaires, qu'elle prévient l'ezcma atopique chez les enfants à risque, qu'elle soulage les symptômes du colon irritable ou qu'elle stimule le système immunitaire, il faut des preuves solides. En d’autres mots, il faut avoir effectué de sérieuses études cliniques dans des conditions contrôlées : même souche bactérienne, même aliment, même dose, même public cible, etc. Peu de produits actuellement sur le marché répondent à ce critère. Malgré tout, nombreux sont les chercheurs qui croient en l’importance des probiotiques pour notre santé. Le moins qu’on puisse dire, c’est que l’industrie alimentaire, elle, en tire profit.

 

Les souches victorieuses

Il existe une condition sine qua non pour que les bactéries probiotiques exercent un effet positif : elles doivent être vivantes au moment où l’on consomme l’aliment qui les contient et, de plus, survivre à leur passage dans notre système digestif. Ce qui veut donc dire qu’elles doivent vaincre l'acidité de notre estomac, habitué à ne faire qu’une bouchée des bactéries qui le visitent!

 

Malheureusement, toutes les souches ne peuvent traverser avec succès les étapes Gastro-entérologiques. Seules quelques-unes ont à ce jour démontré un bon taux de survie et ont fait l'objet d'études cliniques :

 

Lactobacillus rhamnosus GG. Des études scientifiques ont démontré que cette souche de lactobacilles peut réduire les risques de diarrhées – attribuables à la méchante bactérie E. coli, à la « turista » ou au rotavirus –, de même qu'en diminuer l'importance et la durée. Les enfants et les adultes en bénéficieraient. Mais attention, un petit pot de yogourt ou un bol de céréales enrichies de probiotiques sont loin de suffire. Des mégadoses – au moins 2 milliards par portion – sont nécessaires. Et seuls les suppléments peuvent les fournir.

 

Lactobacillus acidophilus + L. casei CL1285. Selon une étude montréalaise menée en 2003-2004, ces lactobacilles contenus dans le lait fermenté Bio-K+ ® permettraient de prévenir de façon importante les cas de diarrhée associée aux antibiotiques et les infections à la bactérie Clostridium difficile. Pour que le  Bio-K+ ® soit efficace, il faut le consommer au moins deux heures avant ou après l’antibiotique, car ce dernier tue indifféremment toutes les bactéries, qu’elles soient bonnes ou mauvaises. Un petit pot de 98 g contient 50 milliards de bactéries vivantes.

 

Bifidobacterium lactis DN-173 010. Cette souche permettrait d'accélérer le transit intestinal, et donc de contrer la constipation chez les femmes et les personnes âgées dont le transit est plus lent. Pour l'instant, seul le yogourt Activia®  la contient, car elle est la propriété de Danone. Ses bienfaits s’exercent avec la consommation d’une seule portion de 100 g par jour, et encore plus efficacement avec deux ou trois portions. Une étude récente a aussi démontré que la consommation régulière de deux pots de 100 g d’Activia® atténue de manière significative la sensation de ballonnement et améliore le confort digestif des adultes atteints du syndrome du côlon irritable

 

B. lactis Bb12. Cette autre souche de bifidobactéries contribuerait à renforcer le système immunitaire, selon certaines études cliniques. On la trouve dans plusieurs aliments, dont les breuvages laitiers Natrel Pro® et Additio de Nutrinor® (vendu au Saguenay-Lac Saint-Jean principalement), le yogourt Yoptimal immuni+ ® de Yoplait et le fromage AllégroProbio® d'Agropur.

 

Les bactéries sont légion

Naturellement, un système digestif sain abrite plusieurs milliards de bactéries. En fait, elles sont même plus nombreuses que toutes les cellules de notre corps ! Et compte tenu du fait qu'au moins 70 % de nos défenses immunitaires se trouvent dans nos intestins, on peut facilement imaginer que notre microflore et notre système immunitaire sont intimement liés. Nul doute, donc, que les «bactéries amies » de la flore intestinale jouent un rôle important dans le maintien d'une bonne santé. Le hic, c’est que cette microflore n'est pas immuable. Au contraire, son équilibre peut être perturbé par le stress, le vieillissement, les antibiotiques, les habitudes alimentaires et certaines maladies. Les probiotiques peuvent ainsi intervenir en renfort, quand les bactéries endogènes sont menacées.

 

Est-ce que tout le monde gagne à en consommer? Ça reste à prouver. Si vous êtes en parfaite santé et que votre flore intestinale est prolifique, rien ne prouve que les probiotiques amélioreront votre qualité de vie. Heureusement, les risques associés à leur consommation sont presque nuls. Seules les personnes dont le système immunitaire est très affaibli ou déficient devraient consulter leur médecin avant de prendre des probiotiques, dans les aliments ou en suppléments.

 

SOURCES

 

Agence française de sécurité sanitaire des aliments (afssa), Effets des probiotiques et prébiotiques sur la flore et l'immunité de l'homme adulte, février 2005. Document en ligne dans La documentation Française : www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/054000130/index.shtml

 Entrevue avec Denis Roy, Ph.D., titulaire de la Chaire de recherche du Canada en biotechnologies des cultures lactiques d'intérêt laitier et probiotique à l'Institut des nutraceutiques et des aliments fonctionnels de l'Université Laval, avril 2007.

Entrevue avec Claude Champagne, microbiologiste et chercheur pour Agriculture et Agroalimentaire Canada, avril 2007.

Comité de nutrition, Société canadienne de pédiatrie, Traitement de la diarrhée, octobre 2007. Document en ligne : www.cps.ca/francais/enonces/N/n03-01.htm

Guyonnet D et al, Effect of a fermented milk containing Bifidobacterium animalis DN-173 010 on the health-related quality of life and symptoms in irritable bowel syndrome in adults in primary care: a multicentre, randomized, double-blind, controlled trial, Aliment Pharmacol Ther 2007; 26 : 475-86

 

 

ALIMENTATION

L'ABC des purées pour bébés

Comment procéder pour fabriquer des purées pour nourrissons

2006

 

Par Hélène Laurendeau, diététiste, Qc., Canada

Le monde est ailleurs, Qc, 2006

 

En saison, les fruits et les légumes sont plus frais, plus beaux et meilleurs au goût. En plus, ils nous permettent de réaliser de bonnes économies. Profitez-en pour faire vos purées que vous congèlerez par la suite.

 

Les purées pour bébé, c’est très facile à faire… même sans recette. Les avantages des purées maison sont nombreux, notamment par leur variété, leur choix de texture, leur coût avantageux ( 30 à 90% plus économique que les purées commerciales) et leurs saveurs. En saison, les fruits et les légumes sont plus frais, plus beaux et meilleurs au goût. En plus, ils nous permettent de réaliser de bonnes économies. Profitez-en pour faire vos purées que vous congèlerez par la suite.

 

Ce dont vous avez besoin 

Ce n’est vraiment pas sorcier, je vous assure! Personnellement, je n’ai jamais suivi de recettes dans un livre lorsque j’ai préparé les purées pour mes deux enfants car le principe est toujours le même. Ce dont vous avez besoin : un mélangeur électrique, des bacs à glaçons et des sacs pour congélation.

 

Juste assez pour ne pas que ça colle

De nombreux fruits peuvent être passés au mélangeur crus (melon, ananas, mangue, papaye, etc.). Ajoutez un peu d’eau au besoin. Les légumes et certains fruits (notamment ceux avec pelure tels que pommes, poires, pêches, abricot, prune, …) demandent cependant à être cuits. Après les avoir lavés, on les coupe en morceaux. On dépose dans une casserole et on ajoute un peu d’eau, juste assez pour ne pas que ça colle. N’ajoutez surtout pas de sucre ni de sel ! On cuit ensuite à feu moyen jusqu’à cuisson complète. On passe au mélangeur - en ajustant la quantité d’eau au besoin - et on verse dans des bacs à glaçons. Une fois congelés, on dépose les petits cubes dans des sacs spécialement conçus pour la congélation, bien identifiés. Et le tour est joué!

 

Vous suivez les mêmes étapes pour la viande, la volaille, le poisson, les légumineuses, etc. Au lieu de l’eau, vous pouvez aussi cuire ces aliments dans un bon bouillon maison (sans sel, évidemment). Une fois que bébé a goûté les aliments un à un, je préparais des mélanges : veau-carottes-orge, bœuf-haricots verts pomme de terre, lentilles-oignon-céleri-carottes, pêches tofu, etc. Faites-vous confiance et laissez aller votre imagination!

 

 

MALNUTRITION

Croupir : le rachitisme au soleil 

2002

 

Par Jean-Francois Chicoine , pédiatre

CHU Sainte-Justine, Montréal, Québec, Canada

Le monde est ailleurs 2002

 

Extrait adapté de Locus Movere, Le medecin du Québec, 1999

 

Photo LMEA Rachitisme nutritionnel, Qc 1999

 

Croupir à l'ombre dans un pays balayé de lumière.  En Algérie ou en Arabie Saoudite, comme dans tant d'autres pays gorgés de soleil, le rachitisme par manque d'exposition à la lumière est pourtant un réel problème de santé pour toute la communauté. 

 

Cette maladie qui ramollit et fait crochir les pattes des bébés est attribuable à un manque de vitamine D normalement synthétisée dans la peau exposée à la lumière du désert ou de la Méditerranée.  Elle atteint à différents degrés la croissance de la tête, du tronc, le tonus des muscles ainsi que les charpentes osseuses des bras et des jambes. 

 

Décrite pour une première fois chez les petits Oliver Twist charbonnés de l'Angleterre pluvieuse et victorienne, on est en droit d'être surpris de la voir ronger des enfants normalement inondés 350 heures par mois de soleil légitime.  Mais on a beau avoir l'ultraviolet à sa porte, on se rend vite compte qu'il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée. 

 

Entre la tradition et les guerres de religion et du pétrole, à Constantine aussi bien qu'à Ryad, la plupart du temps, la porte est fermée.

 

Les enfants du soleil

Nés de mamans voilées et fort peu découvertes, souffrant de mère en fille d'un déficit en vitamine D, langés des pieds à la tête, entassés à la ville ou dans la noirceur de leurs maisons en briques crues, les enfants du soleil souffrent de rachitisme.  Aux convulsions des premiers jours se succèdent aléatoirement, et de mois en mois, un bombement du front, une déformation de la colonne vertébrale, un élargissement des poignets, une courbure des jambes et un signe classique qui se voit à l'œil : des genoux qui louchent.  Les fractures sont courantes, car les os sont fragiles. 

 

Un traitement à base de calcium et de vitamine D soulage les problèmes, mais pas les séquelles.  Mais l'idéal c'est encore d'accorder aux futures mamans ou aux mamans allaitantes un peu de soleil, tout au moins sur les mains. De quoi combler l'univers des Bédouins autant que bien d'autres trous noirs de vitamine D.

 

Les cultures qui durent

Une étude menée par le Collège de médecine du Soudan rapportait qu'à Ryad, en Arabie Saoudite, 57% des mamans étaient convaincues que l'exposition à la lumière était néfaste pour leurs rejetons.  A Oslo, à Paris et à Montréal qui ont depuis longtemps ouvert les portes de leurs hivers aux enfants du sud, on accuse maintenant une recrudescence de bébés rachitiques qui étaient devenus rarissimes depuis l'apparition des préparations lactées pour nourrissons et de la pinte de lait de vache avec vitamine D ajoutée. 

 

Coutumes, isolement, habillement, maigres assiettées et méconnaissance expliquent en grande partie les carences persistantes de par le monde.  Les cultures qui durent sont dures comme de l'os, et du bon! 

 

C'est ainsi que la science les aime.

 

SOURCES

 

Elidrissy a-w.t.h. :  Vitamine D - Deficiency  Rickets in Saudi Arabia. Rickets Nestlé NutritionWorkshop Series 1991; 21:223-229.

Garabédian M, Ben-Mekhbi H :  Is vitamine D - deficiency rickets a public health problem in France and    Algeria?  Rickets Nestlé Nutrition Workshop Series 1991; 21:215-221.

Chicoine, J.-F. Locus movere, Le médecin du Québec 1999

 

 

 

 

Photo LMEA Avocats vinaigrette, Martinique 1988

 

 

 

 

Photo LMEA Tetes de porc, Corée du Sud 1986

 

 

 

 

Photo LMEA Gateau blanc, New-York 2010

 

 

 

Derniere révision : février 2016

 

 

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