Notre parole

 

RECHERCHE EN PÉDIATRIE INTERNATIONALE

 

Retrouvez ici certains de nos résumés de recherche et de nos publications de recherche autour de la pédiatrie internationale, notamment dans le domaine de l’abandon, de l’adoption, des droits de l’enfant, de la nutrition et de l’infectiologie pédiatrique.


CHU Sainte Justine

Université de Montréal

Service des Maladies Infectieuses

Service de Pédiatrie Générale

Département de Microbiologie et Immunologie


  


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JUILLET 2012

 

PRE-ADOPTION ADVERSITY, MATERNAL STRESS, AND BEHAVIOR PROBLEMS AT SCHOOL-AGE IN INTERNATIONAL ADOPTEES


Noémi Gagnon-Oosterwaal (1), Louise Cossette (1), Nicole Smolla (2), Andrée Pomerleau (1), Gérard Malcuit (1), Jean-François Chicoine (3), Céline Belhumeur (3), Gloria Jéliu (3), Jean Bégin (1), Renée Séguin (1)

 

(1) Département de Psychologie, Université du Québec à Montréal, C.P. 8888, Succursale Centre-ville, Montréal, QC H3C 3P8, Canada

(2) Hôpital Rivière-des-Prairies, Montréal, QC, Canada

(3) Clinique de Pédiatrie Internationale, Hôpital Sainte-Justine, Montréal, QC, Canada

 

Journal of Applied Developmental Psychology

Journal Child Psychiatry & human Development

Publihed online 15 july 2012

 

 

Internationally adopted children present more behavior problems than non-adopted children and are overrepresented in mental health services.

 

These problems are related to children's pre-adoption environment, but adoptive families’ functioning and characteristics may also affect the development of behavior problems in adopted children. The aim of this longitudinal study was to examine the effect of pre-adoption adversity and parenting stress on children's behavior problems at school-age. Our sample consisted of 95 children adopted during infancy. Children's health and developmental status was evaluated soon after arrival in their adoptive country. Their behavior problems were assessed at age 7 using a self-report measure, the Dominic Interactive, and the CBCL completed by the mothers. Parenting stress was measured using the PSI. Children's characteristics at time of adoption were significantly related to their behavior problems at school-age, and maternal stress was found to have a mediating effect on this relationship.

 

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AVRIL 2012

 

POINT DE VUE SUR L’ADOPTION DES ENFANTS DITS « À BESOINS SPÉCIAUX »

 

Par Jean-François Chicoine & Johanne Lemieux

 

Service social international (SSI), Genève

Bulletin mensuel n° 2-3/2012, Février-Mars 2012

 

La notion d’enfants dits « à besoins spéciaux » comporte des flous qui complexifient le travail des professionnels, désormais confrontés à un grand défi : trouver des familles et des pays d’accueil (PA) capables d’offrir des projets de vie réalistes à des enfants plus « exigeants » que d’autres.

 

En l’absence de définition fédératrice, coexistent actuellement des points de vue politiques, parentaux, psychosociaux, médicaux si dissonants que la prise en charge de ces enfants s’en trouve fragilisée. Même s’ils se bousculent, ce ne sont pas de parents mal outillés, résignés à adopter en deuxième ou troisième intention et contraints par la conjoncture actuelle de l’adoption internationale, dont ces enfants ont besoin. En préadoption, ils sont en droit de bénéficier des facteurs de protection indispensables à leurs conditions physiques ou psychiques. En postadoption, la question renvoie à la disponibilité et l’aptitude des infrastructures psychosociales, pédiatriques et scolaires des PA, déjà plus ou moins sensibilisées aux adoptions « classiques ». Selon nous, c’est la définition même du concept et ses conséquences qui posent problème.

 

De la relativité de la notion de besoins spéciaux  

Faciliter l’adoption des enfants dits « à besoins spéciaux » a une légitimité défendable en harmonie avec le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant. Alors que des enfants sont en attente de projets de vie familiale permanents dans les pays d’origine (PO), ailleurs, des étrangers en désir d’enfants se font d’autant plus demandeurs que leur patience est mise à l’épreuve par une offre raréfiée d’enfants dits « sans besoins spéciaux ». Par ailleurs, il parait préoccupant que ces prétendus « besoins spéciaux » des enfants soient si mal identifiés, que leurs futurs parents soient si mal préparés et nos PA si mal équipés pour les prendre en charge. En l’absence d’expertise sociale et médicale adéquate, la notion de « besoins spéciaux » devient ainsi un fourre-tout politique et culturel.

 

Deux jumeaux de deux ans, par exemple, abandonnés, carencés, sous-alimentés et confiés à une mère célibataire non outillée, sans soutien social et forcée de vite retourner au travail, ne correspondent incidemment pas à la notion actuelle d’enfants « à besoins spéciaux » et risquent de se voir présentés à la future maman comme des enfants adoptables « à besoins non spéciaux ». Alors que, parallèlement, un nourrisson en bonne santé nutritionnelle et bercé par une nourrice aimante pourrait être considéré comme un enfant « à besoins spéciaux » du simple fait qu’il présente une hernie ombilicale. On touche ici le risque de dérapage qu’entraine la catégorie d’enfants « à besoins spéciaux », qui sous-tendrait que tous les autres enfants adoptables ne soient demandeurs d’aucun « extra ».

 

Des différents niveaux de besoins

Face à cette conjoncture délicate, nous anticipons dorénavant avec nos familles les besoins de l’enfant d’une façon plus structurante; au fur et à mesure que les niveaux de besoins suivants s’accumulent, on s’approche d’une définition qui nous parait plus compréhensible des « besoins spéciaux » :

 

-Premier niveau: peu importe que leurs enfants présentent des « besoins spéciaux », ou non, comme tous les parents, les adoptants auront à répondre à leurs besoins fondamentaux (nourriture, soins, amour, éducation, etc.).

 

-Deuxième niveau: les enfants adoptés, comme tous les enfants, sont des personnes avec leurs particularités (états de santé variables, tempéraments plus ou moins demandeurs, etc.). Les parents devront les découvrir et en tenir compte, comme ils l’auraient fait avec un enfant non adopté. A noter que la majorité des parents biologiques n’auront à répondre qu’aux deux premiers niveaux de besoins.

 

-Troisième niveau: les adoptants auront également à découvrir les besoins spécifiques de leurs enfants, des besoins normaux et attendus en adoption, mais qui suscitent déjà « un entretien plus sophistiqué ». Blessé, insécurisé, forgé aux ruptures, l’enfant adopté comporte son lot de spécificités. Accepter, comprendre, voire célébrer cette normalité adoptive n’est pas innée, d’où l’importance des formations et des évaluations préadoptives. De nombreux articles de recherche ou de clinique en médecine de l’adoption rapportent une évolution positive pour la majorité des enfants adoptés - une bonne nouvelle -, mais aussi une prévalence de problématiques pédiatriques d’autant plus faciles à considérer qu’elles sont parfaitement attendues (restriction de croissance utérine, retards staturo-pondéraux, pubertés précoces, syndromes post-traumatiques, troubles attentionnels et de l’attachement, etc.). S’ajoutent les constantes liées à la révélation de l’adoption, la peur du nouvel abandon et la quête identitaire. Tous les parents adoptifs auront à répondre au moins à ces 3 niveaux de besoins.

 

-Quatrième niveau : des enfants adoptés auront plus de besoins médicaux ou mentaux que la moyenne de leurs pairs adoptés. La difficulté consiste alors à aborder ces besoins hors des attentes habituelles avec des parents néophytes pour qui la normalité adoptive est encore mal enseignée ou assumée. A noter que seule une minorité d’adoptants pourront répondre avec compétence et  bonheur à ce niveau de besoins.

 

Sans structuration claire des besoins, on risque de prétendre qu’adopter un enfant sans « besoins spéciaux » est un défi comparatif à la parentalité biologique et présente la garantie qu’aucun besoin particulier ne sera découvert par la suite.

 

Pour un outillage psychosocial pré adoption

Sur la base de la CLH-93 et des années d’expérience, il parait urgent d’instituer des encadrements préadoptifs permettant un outillage systématique des parents sur la différence adoptive. Autrement, quel intérêt de pronostiquer des besoins spécifiques si on ne met pas en place les facteurs de protection nécessaires à la réussite médicale et affective de la dite adoption? Malheureusement, l’établissement d’une formation obligatoire des candidats, dont une partie devrait d’ailleurs traiter la question des « besoins spéciaux », tarde dans nombre de PA. On apprendrait, par exemple, qu’un enfant grand n’est pas scolarisable avant des mois d’apprivoisement familial, d’adaptation et d’attachement; qu’une hépatite C est potentiellement plus lourde à porter qu’une hépatite B; que le syndrome d’alcoolisation fœtale (SAF) est une condition durable et éprouvante à prendre en charge par des parents dûment évalués; qu’une fratrie est  plus risquée sur le plan de l’attachement que deux adoptions consécutives. Nos initiatives éducatives auprès des adoptants montrent que des connaissances supplémentaires et des échanges porteurs de sens les conduisent à mieux s’approprier les difficultés d’un projet en particulier, quitte à s’en distancier librement, ou à gagner en force éclairée et en compétences.

 

Pour une évaluation médicale pré adoptive (EMP)

L’EMP des enfants, qui plus est en cas de besoins particuliers, vise à identifier certains problèmes. Les professionnels vont souligner les meilleurs/pires scénarios, en clarifiant les facteurs de risques à envisager. L’EMP, désormais recommandée par plusieurs associations professionnelles, tend à éclairer les candidats sur la teneur de leur projet et sur des données comparatives, les rassurer sur certaines zones d’ombre, et démystifier des appellations nosologiques comme perinatal hydrocephalia ou spastic tetraparesis. Par la suite, les parents, et eux seuls, pourront mieux se positionner, sur la base d’informations médicales sérieuses.

 

Grâce à  ces EMP, non seulement certains enfants sont finalement adoptés (enfants atteints d’une infection tuberculeuse traitable, d’une maladie cardiaque opérable), mais des échecs prévisibles sont évités. Ainsi, des enfants autistes ou présentant des troubles de conduite presque impossibles à prendre en charge hors d’un cadre institutionnel chez eux ou ailleurs, pourront continuer à grandir dans leur PO. Ce travail, majoritairement exercé par des pédiatres expérimentés, permet ensuite un apparentement réaliste par l’évaluateur psychosocial désormais informé de la nature et la lourdeur de la tâche qui attend les candidats.

 

Pour un suivi préventif post adoption

Les enfants adoptés aux risques plus ou moins élevés nécessitent plus de services (para)médicaux et scolaires qu’une population moyenne d’enfants biologiques. Cela ne fait pas d’eux des enfants anormaux mais implique que des experts reconnaissent et fassent respecter leur normalité adoptive. C’est, du moins, une part de la promesse faite à leurs PO. Or, actuellement, dans plusieurs PA, la responsabilité du suivi postadoptif tombe pour une bonne part dans la sphère privée. « Besoins spéciaux », ou pas, les parents se débrouillent seuls, sans soutien spécialisé. L’adoption en général, enfants dit « à besoins spéciaux » inclus, étant avant tout un geste de protection de l’enfance impliquant toute la société d’accueil, appelle à revoir la qualité et l’accessibilité réelle des services préventifs et curatifs au retour. L’introduction d’un quatrième niveau de besoins « véritablement spéciaux », en appelle à un meilleur arrimage avec les équipes médico-chirurgicales (fente labiopalatine, imperforation anale, pieds équins, etc.)et psychosociales de pointe (guidance parentale, thérapies post-traumatiques, etc.), les professionnels en réadaptation (ergothérapie, physiothérapie, orthophonie, etc.) et les milieux scolaires.

 

Pour l’avoir mis en pratique, le travail interdisciplinaire personnalisé permet une richesse de dialogue entre tous les acteurs impliqués. Il est  le seul travail éthique possible pour bien comprendre l’unicité de chacun de ces enfants, estimer la réalité de leurs familles adoptives et redonner un sens porteur à l’appellation d’enfants « à besoins spéciaux ». Sans ce travail en amont et en aval, faire la promotion de l’adoption d’enfants repérés comme « hors norme » n’est, à notre avis, que cruelle promesse. Familles et enfants ont droit à mieux que cela. Les pointer du doigt ne suffit pas, ne suffit plus.

 

 

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JANVIER 2012


PRE-ADOPTION ADVERSITY AND SELF-REPORTED BEHAVIOR
PROBLEMS IN 7-YEAR-OLD INTERNATIONAL ADOPTEES


Noémi Gagnon-Oosterwaal (1), Louise Cossette (1), Nicole Smolla (2), Andrée Pomerleau (1), Gérard Malcuit (1), Jean-François Chicoine (3), Gloria Jéliu (3), Céline Belhumeur (3), Claude Berthiaume (2)

(1) Département de Psychologie, Université du Québec à Montréal, C.P. 8888, Succursale Centre-ville, Montréal, QC H3C 3P8, Canada

(2) Hôpital Rivière-des-Prairies, Montréal, QC, Canada

(3) Clinique de Pédiatrie Internationale, Hôpital Sainte-Justine, Montréal, QC, Canada


Journal Child Psychiatry & human Development

Publihed online 06 january 2012


To further investigate the long-term impact of pre-adoption adversity on international adoptees, externalizing and internalizing symptoms were assessed using a self-report measure at school-age in addition to mothers’ reports.

 

The sample consisted of 95 adopted children and their mothers. Children’s health and developmental status were assessed soon after arrival in their adoptive family. At age 7, the Dominic Interactive, a self-report measure, was used to evaluate externalizing and internalizing symptoms while mothers completed the CBCL. Children’s self-reports were compared to their non-adopted peers’. Adopted children reported more symptoms of specific phobia than their peers. A significant correlation was found between mothers’ and children’s reports but only for externalizing symptoms. Self-reported symptoms were related to indices of nutritional and psychosocial deprivation at arrival, such as low height/age and weight/height ratios. Our results emphasize the importance of considering international adoptees’ perception of their psychological adjustment and the long-term impact of early risk factors.






Original article :
Child Psychiatry Hum Dev
DOI 10.1007/s10578-011-0279-5
Pre-Adoption Adversity and Self-Reported Behavior
Problems in 7 Year-Old International Adoptees

 

Des séquelles à sept ans

Par Pierre-Étienne Caza

Journal L'UQAM, vol. XXXVIII, no 12, 5 mars 2012

 

 

Faible poids, petit périmètre crânien, signes d’atteintes neurologiques, infections, etc. Les enfants adoptés à l’international arrivent souvent dans un état de santé précaire. «Habituellement, ils font des gains rapidement à partir du moment où ils se retrouvent dans un milieu de vie sain et plus stimulant», précise la doctorante Noémi Gagnon-Oosterwaal. Dans le cadre de sa thèse, la jeune chercheuse a voulu vérifier si l’état de santé de ces petits à leur arrivée affecte leur développement psychologique.

 

C’est à partir des données d’une étude longitudinale amorcée en 1998 par des chercheurs de l’UQAM, dont Andrée Pomerleau et Gérard Malcuit, et des pédiatres de l’Hôpital Sainte-Justine, parmi lesquels figurait le Dr Jean-François Chicoine, que Noémi Gagnon-Oosterwaal a pu vérifier ses hypothèses. Ces chercheurs ont évalué l’état de santé physique et psychologique de 123 enfants adoptés à l’international (Bolivie, Cambodge, Chine, Haïti, Russie, Thaïlande, Vietnam), dès leur deuxième semaine au Québec alors qu’ils étaient âgés en moyenne de onze mois. Dans le cadre de la première phase de l’étude, ces tout-petits ont été évalués périodiquement jusqu’à l’âge de trois ans.

 

Au cours de la deuxième phase, 95 enfants de la même cohorte ont été réévalués en compagnie de leurs parents adoptifs à la fin de la première année du primaire. «À l’âge de sept ans, les enfants adoptés se distinguent de leurs pairs non adoptés quant au nombre de phobies spécifiques qu’ils rapportent, indique Noémi Gagnon-Oosterwaal. Cela peut être une peur des chiens, des hauteurs, de l’eau, des foules, etc.»

 

La moyenne d’âge des mamans qui donnent naissance à un premier enfant au Québec tourne autour de 26 ans, tandis que celle des mamans adoptives est de 34 ans. Mais ce facteur ne semble pas en cause. «Nos résultats ne s’expliquent pas à cause des caractéristiques démographiques particulières des mamans adoptives - plus âgées, plus scolarisées et mieux nanties –, car nous avons comparé les enfants adoptés à l’international avec des pairs non-adoptés dont les mamans avaient en moyenne 41 ans», précise Noémi Gagnon-Oosterwaal. La chercheuse n’a pas non plus relevé de différences significatives entre les garçons et les filles.

 

Ces résultats, publiés récemment sous l’intitulé «Pre-Adoption Adversity and Self-Reported Behavior Problems in 7 Years-Old International Adoptees» dans la revue Child Psychiatry & Human Development, constituent le premier des deux articles qui composent la thèse de la jeune chercheuse, effectuée sous la direction de la professeure Louise Cossette et codirigée par Nicole Smolla, de l’Hôpital Rivière-des-Prairies.

 

La prévention en milieu post-adoption

«Comme il est impossible de modifier les conditions pré-adoption, le milieu d’adoption est le seul où l’on peut intervenir», poursuit Noémi Gagnon-Oosterwaal, dont le second article est consacré aux mamans adoptives. «Lorsque l’enfant à la santé fragile arrive dans sa famille adoptive, cela engendre un stress chez les parents, explique la chercheuse. Or, un parent stressé développe des attitudes particulières. Il est souvent surprotecteur et plus contrôlant, ce qui produit parfois des relations difficiles à long terme.»

 

La doctorante a constaté que l’état des enfants à l’arrivée est directement corrélé avec leurs problèmes de comportement à sept ans, mais qu’il est aussi corrélé avec un indice de stress parental élevé. «Les troubles phobiques des enfants adoptés pourraient donc s’expliquer par le stress parental et pas seulement par les conditions préadoption, précise-t-elle. Soyons clairs : le stress parental ne cause pas les problèmes, mais il peut contribuer à les aggraver.»

 

L’une des pistes d’intervention suggérées serait de tenter de réduire le stress parental afin d’observer si certains problèmes de comportement disparaissent chez les enfants. «J’ai déjà eu la visite d’une enfant qui a dû sortir de mon bureau à cause d’une mouche, raconte la doctorante, qui reçoit des patients en clinique privée. J’ai dû expliquer à ses parents qu’elle souffrait de phobie. Imaginez-la en classe : une mouche entre et elle n’est plus fonctionnelle du tout. Ce genre de troubles phobiques n’est pas à prendre à la légère et notre seul champ d’action possible est le milieu d’adoption.»

 

 

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JUIN 2011


DÉTRESSE PSYCHOLOGIQUE DES ENFANTS ADOPTÉS APRÈS LE TREMBLEMENT DE TERRE SURVENU À HAÏTI


JF Chicoine (1), AM Carceller (2), MH Lebel (1), VT Lam (1), M. Robert (2)


(1) Service des Maladies Infectieuses, (2) Service de Pédiatrie générale, CHU Sainte-Justine, Université de Montréal, Canada

 

Résumé de recherche présenté au congrès annuel de la Societe Canadienne de Pédiatrie (SCP) à Québec, Canada, juin 2011






Des désastres naturels, tels les tremblements de terre, avec ou sans la perte des repères usuels offerts par les figures d’attachement, peuvent occasionner un stress post-traumatique chez les enfants. En adoption internationale, la transition adaptative d’une figure d’attachement, d’un orphelinat, voire des déterminants d’une culture d’origine vers une famille adoptive à l’étranger provoque également des réactions psychologiques et des défis psychiques. Dans un contexte d’urgence et d’évacuation sanitaire comme celui que nous décrivons ici, le passage traumatique lié au processus d’adoption se fait néanmoins sous les feux des projecteurs et des examinateurs plutôt que dans l’espace privé des  adoptants, ce qui pourrait donner lieu à des interprétations hâtives et confondantes des comportements observés

 

La transition d’une figure d’attachement, d’un orphelinat, voire d’une culture d’origine vers une famille adoptive provoque des réactions psychologiques chez des enfants par ailleurs déjà traumatisés, négligés ou maltraités. Tous les enfants confiés à l’adoption ne sont pas dénutris ou carencés, mais tous, dans une certaine mesure, sont des enfants blessés par la vie ou qui auront éventuellement à confronter une réalité faite de ruptures, de séparations et de rencontres avec des inconnus. Leurs parents adoptifs, pour la plupart, sont des adultes dont l’expérience parentale reste à bâtir et dont les compétences parentales sont plus ou moins soutenues. À court, moyen et long terme, des manifestations psychiques avec leur lot de concrétisation développementale et comportementale sont toujours à prendre en compte par les équipes soignantes responsables de les accueillir.


Par ailleurs, les désastres naturels, tels les tremblements de terre, avec ou sans la perte des repères usuels, peuvent également occasionner un stress post-traumatique chez les enfants. Une large documentation scientifique existe à cet effet. Les observateurs s’accordent pour dire que l’expérience traumatique est d’autant plus forte quand les facteurs fragilisants précèdent la lecture de l’évènement par les victimes.


But de l'étude

Témoigner de la réaction psychologique notée à l'arrivée des enfants adoptés suite au tremblement de terre survenu à Haïti le 12 janvier 2010.

 

Contexte de l'étude

Suite au séisme survenu en Haïti le 12 janvier 2010, et à la demande des gouvernements provincial et fédéral, de nombreux enfants dont les nouveaux parents québécois étaient déjà en processus d’adoption actif, ont été examinés et pris en charge à la Clinique de santé internationale et d’adoption du CHU Sainte-Justine. Ces examens ont été effectués dans les heures ou les jours qui suivaient leur atterrissage à Ottawa et leur transport subséquent par bus, auto ou ambulance vers Montréal. À la demande de Citoyenneté et Immigration Canada, du Ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec, de l’Agence de Santé de Montréal et d’autres partenaires, l’équipe médiconursing a également effectué un aller-retour sur Port-au-Prince afin de soigner et raccompagner vingt orphelins attendus à l’aéroport Pierre-Trudeau par leurs parents adoptifs.

 

Méthodologie

Une compilation des observations des observations ainsi qu’une ou plusieurs entrevues face à face menées par un pédiatre et une infirmière, un à trois mois après le tremblement de terre.

 

Résultats

Nous décrivons les observations cliniques du médecin traitant et de son équipe soignante alors qu’ils sont interpellés par la réaction des enfants adoptés dans ce contexte particulier.

 

Données démographiques

Des enfants, des familles, un lieud’évaluation.


Les enfants: 101 enfants

Âge moyen : 6.7 ± 5.3 ans [médiane de 4.1 ans [écart : <1-20)]

Majoritairement des filles (69.3 %)

 

Les familles adoptantes: tous les enfants assignés, avant le tremblement de terre, à des familles d’adoption

52.5 % étaient des adoptions intrafamiliales par des Québécois d’origine haïtienne

Onze familles adoptantes ont accueilli plus de deux enfants (ad 6 enfants)

 

Le lieu d’évaluation: évalués au CHU Sainte-Justine

Entre le 24 janvier et le 25 mars 2010

En moyenne 3.0 jours (0-50) après l’arrivée d’Haïti, 25 % dans les 24 heures

 

L’ADOPTION DANS UN CONTEXTE HUMANITAIRE

Là où l'intervention humanitaire a une logique légitime d'intervention rapide, la construction filiative demande du temps.

Pierre Lévy-Soussan, Sophie Marinopoulos

318 enfants d'Haïti pour Noël!, Point de vue /Le monde.fr, le 4 janvier 2011

 

Suite au séisme Haïtien du 12 janvier 2010, une accélération des procédures d’adoption de plus d’une centaine d’enfants dont l’adoptabilité n’était pas récusée, a mené dans les semaines et les mois suivants à des évacuations sanitaires d’urgence, principalement sur Ottawa et Montréal. À la demande des gouvernements provincial et fédéral, la majorité des enfants ont été examinés et pris en charge au CHU Sainte-Justine par une équipe médiconursing spécialisée dans la prise en charge des enfants adoptés. Une partie de l’équipe s’est chargée d’aller à Port-au-Prince à la rencontre d’une quarantaine d’enfants de la cohorte. Les autres enfants du groupe ont été accompagnés au Canada par une équipe du Children's Hospital of Eastern Ontario (CHEO) d’Ottawa ou ont transité brièvement par le CHEO avant leur transfert par bus sur Montréal.  

 

Tous les enfants ont eu droit au même temps d’observation, au même bilan d’accueil, au même suivi à court terme (Ex. dépistage audiologique, appréciation de la réaction tuberculinique, guidance infirmière) ou à une même prise en charge adaptée à leur situation de santé et aux capacités de leurs parents de les assumer sur le champ. Les enfants qui n’ont pas eu à être hospitalisés ou suivis à long terme au CHU Sainte-Justine ont tous été dirigés vers des CLSC, des médecins de famille des pédiatres et leurs parents, au besoin, vers des associations d’aide aux familles migrantes ou adoptives. La veille médiconursing inhérente à cette étude observationnelle a été assurée par un suivi téléphonique ou des rencontres cliniques.

 

Au-delà du caractère d’exception du contexte, l’équipe a globalement noté que les réactions comportementales des enfants observées à l’examen clinique pédiatrique effectué dans les heures suivant l’arrivée au Canada différaient peu de celles autrement décrites en situation attendue de stress adaptatif à une famille adoptive, à la différence que la transition psychologique à laquelle les soignants assistaient se faisait de toute évidence sous les feux des projecteurs et des examinateurs plutôt que dans l’espace privé habituellement expérimenté par les adoptants. L’état nutritionnel des enfants semblait également se comparer avec ceux de l’adoption haïtienne avant le séisme. Certains enfants accusaient néanmoins plus de signes et symptômes que d’autres. Des parents paraissaient soulagés, d’autant plus heureux qu’ils avaient été des battants pour accélérer l’évacuation, d’autres, souvent épuisés, étaient déjà débordés, certains prétextant qu’ils n’attendaient l’enfant que dans des mois, que « sa chambre n’était pas prête » ou que ça poserait problème auprès de leur employeur. Deux familles étaient à déménager au moment de l’adoption.

 

Au-delà de l’effet compassionnel

En plus des questionnements légitimes autour des cadres juridiques de l’adoption à Haïti, en France, des spécialistes en santé mentale interpellés par le « sauvetage » des orphelins haïtiens, ont suggéré que la symptomatologie comportementale observable puisse être renchérie par la précipitation contextuelle des adoptions, le manque de préparation des enfants à adopter, les conditions de rapatriement et le peu d’encadrement des familles à leur arrivée dans l’hexagone. Les débats d’opinion entre les autorités, les associations de parents adoptifs et entre spécialistes de l’adoption s’y sont largement corsés Ils ont eu pour effet positif majeur de rappeler que l’adoption ne se sert pas à sauver des enfants, mais bien à les inscrire dans une famille- ce qui est largement encore incompris- ainsi que de souligner le manque de préparation psychique des parents et d’outillage quotidien de ceux-ci pour accueillir des enfants aux trajectoires de vie déjà difficile faites de défavorisation, d’abandon, de ruptures ou de négligence auxquelles s’ajoutaient ici le séisme, les temps et les conditions qui lui ont fait suite et l’évacuation sanitaire.

 

LES ENFANTS AU PREMIER TEMPS DE L'ADOPTION

"Certains se livrent facilement à leurs parents, d’autres semblent garder une part de leur moi en retrait, se laisser caresser avec une certaine indifférence. D’autres encore s’agrippent à leurs parents, se cramponnent à eux comme un petit koala à un tronc d’arbre, sans pour autant être en retour forcément câlins."

Janice Peyre, Le guide Marabout de l’adoption, Paris, Marabout, édition 2009

 

Au CHU Sainte-Justine, tous les enfants ont eu droit au même bilan d’accueil. La saisie de données se fait brève, l’équipe ne disposant que du verbatim des parents adoptants, de celui des enfants grands et de quelques notes de transfert. Une communication soutenue entre les médecins du Children's Hospital of Eastern Ontario responsables de l’accueil ontarien a facilité le travail avec les enfants nécessitant une prise en charge plus soutenue.

 

Au Québec, il n'y a habituellement aucune communication entre les responsables de l'adoption (Secrétariat à l’adoption internationale du Québec, évaluateurs psychosociaux ou organismes agréés d'adoption). L’équipe n’est donc pas en possession des propositions d’adoption, ni des investigations médicales ou biologiques faites en Haïti avant le séisme, ni des informations de santé obtenues préalablement par les autorités québécoises. Cette situation coutumière ne facilite pas la prise en charge concertée des enfants à accueillir, mais n’est nullement reliée au présent caractère d'urgence du séisme.

 

En observant les plus jeunes…

La majorité des jeunes enfants examinés ont un passé chronique chargé de blessures, de ruptures, de négligence, voire de maltraitance. Bien avant la survenue du séisme, la plupart d’entre eux ont perdu leurs mères de naissance ou leurs deux parents ou leurs tuteurs familiaux à Haïti. Ces enfants, pour la plupart institutionnalisés, ont vécu la faim, les infections et l’insécurité affective de l’abandon. Dans les 24 à 48 heures précédant l’évaluation médicale, la plupart d’entre eux se trouvaient encore à l’orphelinat, sinon dans sa cour ou ses dépendances quand l’orphelinat était détruit, ou, pour quelques-uns d’entre eux, dans l’enceinte de l’ambassade canadienne à Port-au-Prince. Le transit aérien leur a tous fait découvrir une foule de bénévoles et un monde d’étrangeté où leurs carences habituelles, voire confortables, ont fait place à une débauche sensorielle. Leurs parents d’adoption sont majoritairement des Canadiens d’origine et, pour un bon nombre d’entre eux, des mères célibataires.

 

À l’examen d’accueil au CHU sainte-Justine, quelques heures de route plus tard ou après une ou quelques nuits de sommeil, des enfants parmi d’autres apparaissent moins consolables que d’autres. En présence de leurs nouveaux parents, certains enfants de la cohorte agissent et réagissent comme de coutume lors d’un entretien ou un examen clinique en médecine de l’adoption.  Ils paraissent confortables, curieux, alertes. Plusieurs semblent néanmoins sidérés, voire hypersomniaques et se laissent trop facilement manipuler, sans plaintes, dans l’apathie et la résignation. D’autres, moins nombreux, hurlent continuellement, se débattent et sont impossibles à contenir par la chaleur néoparentale. Un jeune garçon en l’occurrence, en mauvais état nutritionnel, parait complètement déconnecté de la réalité.

 

Dans les jours qui suivent la visite, l’encadrement téléphonique par le personnel infirmier se fait particulièrement exigeant, notamment en raison de la prévalence des troubles de sommeil et à cause des diarrhées.

 

En observant les plus grands…

Plusieurs enfants grands sont issus d’une famille d’accueil ou de leur famille élargie en terre haïtienne, et non d’une institution. Lors du tremblement de terre, quelques enfants ont subi des blessures physiques mineures: fracture d’un doigt chez l’un, plaie à la tête chez l’autre. Au moment du séisme, ces enfants plus grands ont eu peur pour eux ou leur entourage. Plusieurs ont perdu un ami ou un parent proche. Depuis, la majorité n’aurait pas mangé à leur faim et aurait dormi à la belle étoile. À l’arrivée au Canada, les services d’immigration leur ont servi un chili con carné ontarien.

 

Ces enfants plus vieux, souvent accueillis dans leur proche parenté via un processus d’adoption intrafamiliale, profitent de l’intervention clinique pour narrer leur vécu immédiat au personnel soignant, notamment la destruction ou la fissuration de leurs maisons, le rationnement alimentaire ou la perte tragique d’un proche. Dans la foulée, certains se questionnent également sur la tempête de neige qu’une des missions d’urgence aura dû traverser en bus pour se rendre de l’aéroport, à Ottawa, au CHU Sainte-Justine, à Montréal. Une majorité d’entre eux parle créole et français. Ils sont scolarisés et à première vue, connaissants et curieux. Le suivi téléphonique s’annonce facilité.

 

Ailleurs, une adolescente est en crise anxieuse. Sa tante qui l’adopte ne semble pas pouvoir l’apaiser. Dans les heures suivant l’effondrement de la maison qui l’abritait, elle a lentement vu mourir sa grand-mère maternelle écrasée juste à côté d’elle. Dans les semaines suivant le tremblement de terre, elle s’est ensuite retrouvée un peu n’importe où avant d’être récupérée par un groupe humanitaire. Depuis le dernier mois, elle se dit constamment sur le qui-vive. Elle confie qu’elle vit des cauchemars terribles. Dans l’avion d’ailleurs, elle s’est réveillée, puis mise à crier après s’être brièvement un peu assoupie. Aujourd’hui, elle a peur de tout, même de marcher, peur qu’on l’examine, qu’on lui fasse du mal. « Je ne pensais pas qu’il fallait qu’elle meure avant de la quitter pour le Canada », verbalise-t-elle en se remémorant son aïeule.

 

Comment interpréter/départager ces observations?

Considérant la complexité des facteurs en cause, il est difficile de déterminer quelles manifestations pourraient être reliées à un ou à des traumatismes et, le cas échéant, d’en préciser la, ou les sources, avec certitude.

 

Quand l’enfant s’exprime par des pleurs incessants ou se trouve en état catatonique, exprime-t-il son arrimage avec ses nouveaux parents d’adoption, ou est-il à vivre une réactivation traumatique de son passé ancien, par exemple son abandon, ou son passé récent, la perte de sa figure d’attachement suite au tremblement de terre, l’événement sismologique mettant cruellement à vif toute une série de blessures antérieures plus ou moins délétères?

 

LE PROCESSUS ADAPTATIF EN ADOPTION

"Vous êtes adopté en Tanzanie. Votre nom est Julie ou Simon, et vous avez 14 mois. La Direction de la protection de la jeunesse du Québec vous a déclaré adoptable, car votre mère n’a pas les capacités nécessaires pour assurer votre sécurité et votre développement. Les travailleurs sociaux vous cherchent une famille adoptive québécoise depuis six mois, mais sans succès. Une famille tanzanienne accepte de vous adopter, car ils ont toujours rêvé d’avoir un enfant blanc : ils sont si mignons ! Vous prenez l’avion avec une escorte et arrivez très fatigué, 20 heures plus tard, à l’aéroport de Dar Es-Salaam, pour y découvrir enfin votre nouvelle famille. Deux dames en robe longue de couleur mauve s’approchent avec un homme en robe longue de couleur orange. Ils ont la peau très très noire et les dents très très blanches. Et ils n’ont pas de cheveux ! Ils ont de grands bijoux autour du cou et dans leurs longues oreilles. Avec eux, il y a quatre enfants avec la peau aussi noire et les dents aussi blanches…Que pensez-vous d’eux?"

Jean-François chicoine, Johanne Lemieux, Patricia Germain,

L’enfant adopté dans le monde en quinze chapitres et demi, Éditions du CHU Sainte-Justine 2003

 

Les enfants plus vieux sont lucides. Ils comprennent parfaitement que c’est l’urgence de la situation qui les amène précipitamment au Canada et que leur adoption n’a été qu’anticipée. Leurs nouveaux parents sont souvent connus ou éprouvés. Ils sont le plus souvent des Canadiens d’origine haïtienne qu’ils ont réellement connus ou à qui ils ont déjà parlé ou écrit ou courriellé. Plusieurs sont ravis, carrément excités.

 

Les enfants plus jeunes ne connaissent pas encore leurs parents adoptifs. Le modèle opérant de l’enfant et l’idée qu’il se fait des adultes, la qualité du ou des attachements précoces expérimentés en préadoption et leurs styles particuliers, évitant ou résistant par exemple, son développement moteur, cognitif et affectif, l’attitude de ses nouveaux parents, tous ces éléments vont contribuer de près ou de loin aux manières d’adaptation de l’enfant. Le transit aérien récent, la perte de repères, le manque de sommeil sont autant d’agents stressants rajoutés à leur état de santé variable, plusieurs souffrant d’évidence de malnutrition protéino- énergétique, de Kwashiorkor et de diarrhée (Robert 2011).

 

Chez l’enfant nouvellement adopté, à Haïti ou dans d’autres pays d’origine, le passage adaptatif d’une nourrice ou de ses autres figures d’attachement vers une famille inconnue autant que la transition des repères fondateurs d’un orphelinat et d’une culture de naissance vers un écosystème d’adoption encore inexploré, s’associent ordinairement à des réactions diverses et très variables.

 

Le psychiatre Maurice Berger aborde la notion de « kidnapping symbolique » pour bien faire valoir l’intersubjectivité d’un évènement parfois trop unilatéralement perçu comme heureux par les adultes impliqués dans le processus (Berger).Si le jeune enfant fraîchement confié à ses parents d’adoption risque de vivre ses premiers jours comme une agression, l’enfant en âge de comprendre la transition réagit pour sa part en fonction de facteurs intrinsèques ou extrinsèques, par exemple sa sécurité affective ou son degré de préparation à l’adoption. Selon son âge développemental, ses traumatismes antérieurs, son état de santé, les liens qu’il aura, ou non, mis en place avec des figures sécurisées antérieures et selon les attitudes parentales plus ou moins rassurantes de sa famille adoptive, l’enfant manifestera donc, peu ou prou, la gamme de comportements de lutte ou de fuite normalement attendus en période de stress intense.

 

L’intimité en public

En adoption internationale, les symptômes et les signes cliniques observables chez jeunes enfants adoptés sont habituellement constatés confidentiellement par les parents durant leur séjour à l’étranger, parfois dans l’intimité d’une chambre d’hôtel et ne sont rapportés qu’ultérieurement au pédiatre responsable du bilan d’accueil et qui n’est, en l’occurrence, effectué que plusieurs semaines plus tard.

 

Les enfants de notre cohorte venant tout juste de rencontrer leurs parents pour une première fois, nous croyons avoir été témoins de réactions comportementales préverbales qui sont d’ordinaire amenuisées au moment nos consultations habituelles avec des enfants adoptés relativement plus apprivoisés, dans les bras de parents plus aguerris et plus conscients du caractère sécurisant et fondateur de leurs compétences. L’adoption intrafamiliale des enfants parmi les plus âgés de notre cohorte répondant à des solutions de trajectoires de vie distinctes, établies dans une certaine continuité et au sein d’une même culture haïtienne, nous croyons également y voir des premiers moments facilités. Toutefois, seul un suivi étroit de la concrétisation des liens d’attachement et de résilience pourrait confronter ces premières impressions.

 

L'ADOPTION ET LE STRESS POST-TRAUMATIQUE (SSPT)

"Plus de douze heures après, on a pu sortir le bébé qui n’avait pas cessé de pleurer. Une fois dehors, il s’est mis à sourire comme si rien ne s’était passé."

Dany Laferrière, Tout bouge autour de moi, Montréal, Mémoire d’encrier, 2010

 

Le stress-post traumatique, aussi appellé "syndrome du stress traumatique" fait référence à une réaction psychologique répertoriée dans le DSM-IV-R et se rencontre suite à une situation d’impuissance vraie ou ressentie, marquante à tout le moins, durant laquelle l'intégrité physique ou psychologique de l’individu ou de ses figures de soins et d’attachement, ont été menacés ou affectés (Pynoos 1996). La réaction à l'événement peut se traduire immédiatement par une peur intense, par de la fixité ou de la rage  ou n’apparaitre que beaucoup plus tard dans le temps. Les retombées morbides potentielles sont tout autant marquantes, sinon plus qu’en cas de blessures physique ou psychologique directes de l’intimé, quand le traumatisme affecte aussi ou uniquement son donneur de soin, que l’enfant ou l'adolescent se fait ainsi le témoin passif d’un évènement qui n’est pas de son âge ou auquel il ne peut donner du sens.

 

La définition nord-américaine du trouble prévoit que les manifestations durent depuis plus d’un mois. Nous sommes dans les temps.

 

Grand "T" et petit "t"

Terr définit globalement deux types de traumatisme et leurs effets (Terr 1991). Dans sa ligne de pensée, les praticiens qui enseignent et soignent le syndrome post-traumatique, comme le français Jacques Roques, parleront ainsi de grand « T », quand le traumatisme est unique, simple et ponctuel, laissant un souvenir embrouillé ou détaillé de l’évènement selon les circonstances de l’évènement et l’âge de la victime. Exemple de circonstances : un tremblement de terre, la perte d’un être cher, le transport aérien précipité vers des adultes parentaux nouveaux.Par ailleurs, et pour mieux expliqué le trouble attribuable à des traumatismes chroniques ou répétés, ils parleront plutot de de petits « t » capables de miner le processus développemental harmonieux.. Exemple: isolement sensoriel, malntrition, négligence et maltraitance.

 

Dans le présent contexte, il nous apparait ainsi impossible de déterminer quels signes ou symptômes de notre population d’enfants pourraient être reliés à un ou à des traumatismes et, le cas échéant, d’en préciser la, ou les sources, avec certitude, la part des grands "T" et des petits "t". En plus des causes traumatiques symptomatologiques potentielles reliées ou apparentées au séisme, les enfants accueillis ont pour la plupart des trajectoires de vie déjà difficile faites de défavorisation, d’abandon, de ruptures ou de négligence ce qui ne facilite pas le pistage diagnostique.

 

Le SSPT chez les plus grands

Certains des comportements observés chez les grands sont probablement attribuables au SSPT, notamment sous sa triade classique : la réexpérience de l’évènement traumatique, l’évitement et l’hypervigilance.

 

Plusieurs mécanismes explicatifs du syndrome sont décrits par différents auteurs mais font encore l'objet d'imprécisions.. En bref, et à l’instar du soldat confronté à l’intolérable, le cerveau de l’ agressé n’identifierait pas les images, les sons, les odeurs, etc., qui créent sa blessure et vivrait puissamment son impuissance.. Tous les éléments dissonants demeuraient alors emmagasinés sous une forme brute au sein de la mémoire événementielle, dite explicite, et n’arriverait pas ensuite à s’expliciter, ou en raison de l’immaturité de l’enfant ou du caractère intolérable de l’évènement, d’où le trouble ainsi constitué.

 

Le SSPT chez les plus petits

L'appréciation du SSPT chez les plus jeunes prend une tournure différente, du fait, majoritairement, queleur cerveau est encore, un immature, et deux, à se construire.

 

Des auteurs parlent de traumatisme « préverbal », et dont l’enfant aurait la mémoire, mais pas le souvenir. L’épisode traumatique est défini comme une expérience vécue après l’âge de 2 à 3 mois, âge où prennent forme les mémoires épisodiques et sémantiques au départ sises dans le cerveau limbique, puis ultérieurement dans la substance corticale. L’expression comportementale du traumatisme, ainsi que les symptômes et les signes cliniques nommés sous l’appellation «  perturbation plus ou moins envahissante » qui lui sont associés — les pleurs par exemple — sont plus facilement observables quand l’enfant a plus de 9 mois. L’expression verbale, ainsi que la capacité d’en témoigner sont facilitées après l'age de 3 ans (Keren 2000).

 

Chez les jeunes enfants, les épisodes dissociatifs se feraient plus fréquents que chez les enfants ayant expérimenté le ou les traumatismes avant leurs 18 mois. Ainsi un événement éprouvant ponctuel, comme l’adoption, pourrait être vécu comme tel ou alors être en mesure de réactiver des traumatismes précoces diffus et préverbaux, associés à la négligence et à l’abandon par exemple. Également, des jeux post-traumatiques répétitifs s’observeraient plus aisément dans les mois ou les années suivant leur (s) traumatisme (s). Pour sa part, l’hypervigilance s’exprimerait par une multiplication des troubles de sommeil, les cauchemars compris, et par une atteinte de leur attention, en lecture ou à l’école. Des peurs multiples, dont la peur du bain par exemple, un comportement accaparant, de l’agressivité manifeste, ou au contraire, un retrait social, bref toute une série de conduites observables au quotidien auraient aussi leurs réelles interférences développementales. Les quelques retards sensori-perceptifs, moteurs et possiblement cognitifs et langagiers ainsi que les troubles d’adaptation constatés à l’arrivée s’inscrivaient certainement dans une optique encore plus élargie et décrite chez les enfants adoptés nouvellement adoptés en dehors de toute situation d’urgence ou de cataclysme.

 

Un terrain fragile

L’institutionnalisation par exemple, augmente le risque de développer un SSPT. Les victimes de négligence et de maltraitance auraient d’ailleurs 1.75 fois plus de risque de développer un stress postraumatique devant un même fait objectif comparativement à des adultes sains (Widom 1999). De fait, l’histoire récente ou ancienne des enfants négligés multiplient leur risque d’avoir subi des épreuves, des abus, de la maltraitance, des abandons « sauvages », puis de ne pas avoir eu les ressources ou le support nécessaire utile à la guérison neurologique de cette épreuve devenue traumatisme. Ainsi, les signes et les symptômes se rencontrent couramment en adoption où le SSPT contribue à la pérennité de certains états anxieux ou explique la survenue de défis d’attachement avec la famille d’adoption

 

Le syndrome traumatique développemental

Pour mieux témoigner d’un trauma répétitif chronique préverbal, comme celui relié à l’institutionnalisation, versus le trauma unique vécu lors d’un séisme ou d’une évacuation sanitaire, des auteurs parlent de « syndrome traumatique développemental (Cook 2005).

 

Cette manière d'approcher la question nous parait extrêmement prometteuse. En médecine de l'adoption, les troubles de modulation sensorielle, les retards psychomoteurs, les troubles des fonctions exécutives, les insécurités affectives, voire les troubles de l'attachement peuvent côtoyer les SSSPT et les rendre plus difficiles à prendre en charge. Un diagnostic unique avec ses ramifications potentielles facilite l’intégration épistémologique des signes et symptômes observés (Van der Kolk 2005).

 

UNE PARENTALITÉ ADOPTIVE PRÉCIPITÉE

"Trois conditions sont nécessaires pour que l’enfant considère comme fiable le discours de son parent sur le monde extérieur. Que le parent reconnaisse l’existence de l’événement, même si à ses yeux d’adulte, cet événement parait puéril. Qu’il fasse un compte rendu rejoignant l’expérience de l’enfant. Qu’il accepte la discussion et les questions de l’enfant sur le sujet. Si ces trois conditions ne sont pas satisfaites, l’enfant risque de concevoir le monde extérieur comme illogique et même dangereux. "

Inge Bretherton, The origins of attachment theory: John Bowlby and Mary Ainsworth.

in S. Goldberg, R. Muir & John Kerr (Ed.). Attachment theory: Social, developmental and clinical perspectives, Hillsdale, NJ: Analytic Press, 1995

 

Malgré les joies filiatives anticipées, la prise en charge adaptative des traumatismes récents ou anciens des arrivants s’avère parfois compliquée par un manque d’outillage préadoptif de plusieurs familles ( ex. pas de cours de préparation parentale en préadoption, peu de lectures, dimension humanitaire de l’adoption à Haïti), des familles en l’occurrence souvent monoparentales et pour qui le projet de vie parait, au moins transitoirement, précipité par le cours des événements ( ex. pas de congé parental d’adoption, pas de chambre "de bébé", ni d’équipement pour l’enfant ).

 

Si des parents en devenir deviennent rapidement de puissants alliés thérapeutiques, d’autres semblent ainsi manifester des symptômes traumatiques. Anxieux, avides, ils sont encore collés aux infos du tremblement de terre. Au moins trois d’entre eux verbalisent des cauchemars mettant en scène des enfants morts. Pour quelques-uns, la première rencontre avec l’enfant n’est pas conforme à ce qu’ils avaient imaginé. Dans les jours qui suivent l’arrivée, une mère submergée résigne ipso facto sa fonction d’adoptante et l’enfant, alors confié aux services sociaux, est redirigé vers une nouvelle famille d’adoption.

 

Les enfants plus vieux, ceux-là souvent accueillis dans une famille élargie Québécoise d’origine haïtienne plus ou moins connue d’eux, paraissent pour la majorité bien préparés à l’adoption et leur milieu d’accueil enfin soulagé de les voir arrivés. Dans les mois qui suivront, une jeune fille sera dirigée vers les services sociaux. Sa tante l’avait adopté pour satisfaire les souhaits d’une grand-mère demeurée à Haïti.  L’enfant de douze ans refusait de s’asseoir à table, de revenir à la maison le soir et s’adonnait déjà des activités sexuelles. Son adoption intrafamiliale avait été présentée aux adoptants comme un simple tutorat , un mandat à l’évidence illusoire à réaliser face à une enfant en déficit d'expérience parentale saine et apaisante.

 

DE LA GUIDANCE POSTADOPTIVE

"L’attachement dépendra ainsi du système comportemental organisé par tous les partenaires de l’interaction, chacun en s’ajustant à l’autre, donnera à la famille son étonnante individualité". 

Boris Cyrulnik, Les vilains petits canards, Odile Jacob, 2001

 

En dehors de la satisfaction de ses besoins de base, dont l’alimentation, et de la prise en charge de ses malaises et maux diagnostiqués, dont la diarrhée parasitaire, le rôle principal des parents à cette étape de l’adoption, et qui plus est en catastrophe, est d'être présent, d’apprendre à porter l’enfant et de se faire pare-excitant afin de le protéger d’intrusions supplémentaires et des regroupements de visiteurs. Toutes les recommandations en rapport avec l’éducation au sens et toute la guidance nécessaire pour favoriser l’attachement au quotidien sont également de mises. Malgré les souffrances identifiées, une discipline non punitive, notamment au moyen des choix et conséquences est encouragée.

 

Une lettre de notre équipe a facilité l’obtention expresse des congés maternels et paternels postadoptifs pour l’année à suivre. Certains enfants ont nécessité une hospitalisation immédaite, plusieurs ont été suivis sur des mois, notamment en raison de primoinfection tuberculeuse ou de malnutrition. Tous les enfants ont été ultérieurement référés à un pédaitre, à un médecin de famille et à leur CLSC.

 

Plusieurs des enfants adoptés via le processus d’adoption intrafamiliale étaient déjà inscrits à l’école d’accueil pour le surlendemain, ce que nous considérions beaucoup trop tôt, à la fois pour le recul face au tremblement de terre, l’adaptation à nos écosystèmes et la greffe parentale sécurisée.  Nous avons insisté auprès des familles pour qu’ils enchaînent le séisme autant que leur adoption dans une histoire qui fait sens.

 

Au bout du compte, devant le bon état de santé relatif de la plupart des enfants arrivants, et l’amorce du travail fait par nombre de parents extirpés de leur attente, toute l’équipe a eu l’impression que cette mission valait la peine et que ses cotés sombres (ex. la précipitation, les ruptures hâtives, le manque de préparation psychique des familles adoptives) semblaient, à moyen terme, être éclipsés par le sens principal de ce travail : trouver une famille pour un enfant.  À plus long terme cependant, la vigilance s’impose : l’attachement parents-enfant s’est-il réalisé, une symptomatologie postraumatique a-t-elle fait surface, etc.?

 

À titre d'épilogue et pour garder en mémoire

Perdre sa maman demeure un traumatisme beaucoup plus important qu’un tremblement de terre. En adoption, c’est l’abandon qui est déterminant. L’enfant doit se construire à partir d’une perte. De son point de vue d’enfant, un tsunami ou un tremblement de terre a moins d’importance que les liens de confiance qu’il a entretenus avec une nourrice ou qu’il entretiendra avec ses parents d’adoption. Notre travail est de le convaincre que, malgré tout, TOUT est encore possible. À condition de s'en donner les moyens.

 

RÉFÉRENCES

Berger, M. L’enfant et la souffrance de l’adoption, Dunod, Paris 2003


Cook A et al.. Complex trauma in Children and adolescents. Psychiatr Ann; 35: 390, 2005

 

Keren M. & Tyano S.  A case-study of PTSD in infancy: Diagnostic, neurophysiological, Developmental and therapeutic aspects, Israel J Psychiatry 37 (3): 236-246, 2000

 

Pierre Lévy-Soussan & Sophie Marinopoulos 318 enfants d'Haïti pour Noël! Publié dans Point de vue /Le monde.fr, http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/01/04/318-enfants-d-haiti-pour-noel_1459455_3232.html, le 4 janvier 2011

 

Pynoos, R. S., Steinberg, A. M. et Goejean, A Stress in childhood and adolescence: Recent development and current controversies. In Traumatic stress: the effects of overwhelming experience on mind, body and society, p. 331-358. New York: Guilford Press, 1996

 

Robert M., Carceller A.-M., Blais D., Lebel M.H., Chicoine J.-F.  Health status of adopted children after the Haitian earthquake SCP 2011

 

Terr, L. C. Childhood traumas: An outline and overview  .Focus: 1, 322-324 American Psychiatric Association, 1991

 

Van der Kolk BA. The neurobiology of childhood trauma and abuse. Adolesc Psychiatric Clin N Am 12 : 293-317, 2003.

 

Widom, C. S.  Posttraumatic Stress Disorder in Abused and Neglected Children Grown-Up  Am J Psychiatry 156:1223–1229, 1999

 

 

 

Photo: LMEA, Sur le tarmac, Port-au Prince, Haiti 2010

 

 


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JUIN 2011

 

HEALTH STATUS OF ADOPTED CHILDREN AFTER THE HAITIAN EARTHQUAKE


M. Robert (1), AM Carceller (1), D Blais (2), MH Lebel (2), JF Chicoine (2).


(1) Service de Pédiatrie générale, (2) Service des Maladies Infectieuses, CHU Sainte-Justine, Université de Montréal, Canada

 

Résumé de recherche présenté au congrès annuel de la Societe Canadienne de Pédiatrie (SCP) à Québec, Canada, juin 2011






On January 12th, 2010, a 7.0-magnitude earthquake in Haiti disrupted infrastructure and displaced 2 million persons, worsening poor living conditions, overcrowding, with consequent vulnerability to malnutrition and communicable diseases.

 

The primary purpose of this report was to monitor health status of arriving orphans, promptly adopted from Haïti, for humanitarian reasons.


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JUIN 2011

 

PREVALENCE OF STRONGYLOIDES STERCORALIS IN FOREIGN-BORN CHILDREN


M. Robert (1), A.M. Carceller (1), A.-M. Demers (2), (3), M. N Dao (4), O. Dobrescu (1), J.-F. Chicoine (3), M. Libman (5), T. Fortin (1), M.H. Lebel (3)


(1) Service de Pédiatrie, (2) Département de Microbiologie et Immunologie, (3) Service des Maladies Infectieuses, CHU Sainte-Justine, Université de Montréal, (4) National Reference Centre for Parasitology and (5) Centre for Tropical Diseases, Mc Gill University, Montreal, Canada

 

Résumé de recherche présenté à la Paediatric Infectious Diseases Conference -ESPID à La Haye, Pays-Bas, juin 2011





Foreign-born children often harbour intestinal parasites. We evaluated the prevalence of Strongyloïdes stercoralis (SS) infection in children immigrating to Canada.

 

This Prospective cohort study was done at the Immigrant Health Clinic and Tuberculosis Clinic of CHU Sainte-Justine, a pædiatric tertiary care center in Montreal, Canada from 2009/11 to 2010/06. Demographic information, growth parameters and laboratory screening tests including SS serology (enzyme immunoassay) and 3 stool specimens for ova and parasites exam were gathered. National Center for Health Statistics standardized growth charts1,2 were used.Region of origin was categorized according to the World Health Organization groupings.Data compilation and analysis were realized with Microsoft Excel Office XP and SPSS software.

 
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JUIN 2006

 

A CPSP SURVEY ON CANADIAN PAEDIATRICIANS’ EXPERIENCE AND KNOWLEDGE ABOUT THE RISKS OF INFECTIOUS DISEASES IN CHILDREN ADOPTED

 

ML Lawson (1), L Auger (2), C Baxter (3) JF Chicoine (4) TJ Clifford (1) S Kahaler (5) R Kugelmass (6) S Kuhn (7) M Naus (8) A Simone (9) C Hui (1)

 

Résumé de recherche présenté au congrès annuel de la Societe Canadienne de Pédiatrie (SCP) en juin 2006





Canadian families have been adopting children internationally at increasing rates over the last 10 years with over 2000 international adoptions annually.  Most of these children come from countries and/or social situations with increased risks for specific infectious diseases acquired at birth or in the first years of life and where routine immunization is incomplete or inadequate.


The objectives of the study were to determine the experience of Canadian paediatricians with children adopted internationally and their knowledge about current recommendations for screening for infectious diseases.



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for S

JUIN 2006

 

COGNITIVE AND MOTOR DEVELOPMENT OF INFANTS ADOPTED FROM CHINA, EAST ASIA, AND RUSSIA

 

Cossette, Louise., Pomerleau, Andree., Malcuit, Gerard., Chicoine, Jean-Francois., Seguin, Renee., Belhumeur, Celine., Germain, Patricia., Amyot, Isabelle. and Jeliu, Gloria

 

Paper presented at the annual meeting of the XVth Biennial International Conference on Infant Studies, Westin Miyako, Kyoto, Japan, Jun 19, 2006

 

The cognitive and motor development of 123 infants adopted from China (n = 58), East Asia (n = 39, 20 from Vietnam, 8 from Taiwan, 7 from Thailand, 3 from South Korea, and 1 from Cambodia), and Eastern Europe (n = 26, 25 from Russia and 1 from Belarus) was assessed close to the time of arrival, 3 and 6 months later, and at 2 and 3 years of age. Infants’ age at time of arrival ranged from 4 to 18 months (mean age for China group = 11.26 months; East Asia = 8.23 months; Russia = 10.13 months).

 

Most of them were living in orphanage before adoption. Infants were assessed using the Bayley Scales of Infant Development (Bayley, 1993). Data on the sociodemographic characteristics of their adoptive families, on parenting practices, parenting stress, and anthropometric measures, including infants’ weight, height, and head circumference percentiles, and weight/height and height/age ratios (indices of acute and chronic malnutrition, respectively), were also collected. At time of arrival, children presented cognitive, motor, and physical delays, as well as health problems. However, in the first few months following adoption significant improvements were observed in most of them. Hierarchical linear modelling analyses revealed important individual variations in cognitive and motor development at time of arrival and in the following years. A better height/age ratio and a younger age at arrival were associated with higher initial scores of mental development (MDI), while motor scores (PDI) at arrival were best explained by height/age ratio and presence/absence of neurological signs. Infants who had lower MDI and PDI scores at time of arrival generally tended to gain more thereafter. The evolution of cognitive scores from time of arrival to 3 years of age was best predicted by the presence/ absence of neurological signs, while the evolution of motor scores was best explained by height/ age ratio and region of origin. Except for annual income, the variables related to the adoptive families, maternal education, parenting practices, and parenting stress, did not predict infants’ scores of cognitive and motor development from time of arrival to 3 years of age. The low variability observed in the adoptive families’ measures is likely to explain these findings. The theoretical and practical implications of our results will be discussed.

S

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JUIN 2005

 

DESSINS DE JEUNES VIETNAMIENS EN ORPHELINAT ET LEURS MESSAGES UNIVERSELS


E. Rousseau (1), M. Labbé (1), JF. Chicoine (1), B. Carrière (1), TN. Nguyen (2)


(1) Département de pédiatrie – CHU Sainte-Justine – Université de Montréal, Canada (2) Professeur de pédiatrie et directrice de la société vietnamienne de pédiatrie – Hanoi, Vietnam

 

Résumé de recherche présenté au congrès des pédiatres de langue francaise à Paris, France, juin 2005






L’objectif principal de ce projet est de décrire, à travers l’expression graphique, certaines connaissances, attitudes et croyances de jeunes vivant au Viêtnam dans des orphelinats, institutions et Centres pour jeunes de la rue en difficulté,  afin de mettre leurs réponses en parallèle avec les droits des enfants et des adolescents, tels qu’énoncés dans la charte des Nations Unies et à laquelle ont souscrit nombre de pays, dont le Vietnam.

 

En donnant la parole dessinée à tous ces jeunes, leurs déclarations pourraient avoir la vertu de plaidoyer, se faisant l’interprète de toutes ces voix enfantines silencieuses, qui n’ont pas l’opportunité de s’exprimer. Ces messages teintés à la fois de particularités culturelles, mais aussi d’universalité, devraient être entendus par les adultes décideurs dans leur choix politique de santé, d’éducation et de la famille en général, en leur donnant la plus large diffusion qu’ils méritent.

 

LE CONTEXTE VIETNAMIEN

Le Viêtnam est une longue bande de terre située au centre de l'Asie du Sud-est. Le pays est bordé au nord par la Chine, à l'ouest par le Laos et le Cambodge et s'ouvre à l'est et au sud sur l'océan Pacifique. La côte s'étire sur 3.260 km et les frontières terrestres sur 3.700 km. Le Viêtnam est un carrefour entre l'océan Indien et l'océan Pacifique. Le riz est la base de l’alimentation du pays; le caoutchouc, le thé et le coprah en sont les principales cultures commerciales. Le sous-sol recèle du charbon et du pétrole et l’industrie commence à s’y développer, malgré la faiblesse des infrastructures et des capitaux existants.

 

En 1986, le Viêtnam a entrepris un grand projet de réforme économique, dont l'objectif était d'effectuer la transition d'une économie centralisée à une économie de marché, avec ce que cela a de bon pour la macroéconomie et de fragilisant pour les petits commerces et les petits métiers. Au tournant de ce millénaire, le pays a ainsi accompli des progrès économiques remarquables, en atteignant un taux de croissance annuel moyen supérieur à 8%, ceci dans un contexte contrastant où, par exemple, la moitié des enfants âgés de moins de six ans y souffrent encore de malnutrition et à peine plus d'un tiers de la population a accès à de l'eau potable.

 

L’histoire mouvementée du Vietnam

L’histoire du Viêtnam est jalonnée de conflits, qui ont forgé son identité nationale. Les Vietnamiens descendent de Mongols nomades venus des terres de Chine, ainsi que d'immigrants indonésiens arrivés par la mer. On ne sait que peu de choses de l'histoire très ancienne du pays. A partir de l'an 111 av. J.-C., le Viêtnam, alors connu sous le nom de "Nam Viêt", pour "Viêt" du sud, fut dominé par les dynasties chinoises Han et ce jusqu'au XVe siècle, inculquant du coup les idées confucéennes et la culture chinoise à son peuple.

 

En 1885, la France colonisa les trois régions du Viêtnam (Cochinchine au sud, Annam au centre et Tonkin au nord, selon la terminologie culturelle et politique française), y assurant son influence pendant quatre-vingts ans. La période coloniale entraîna une détérioration des conditions de vie des Vietnamiens, qui conduisit à l'avènement d'un mouvement national visant à l'indépendance du pays. Une guerre sanglante s’en suivit, qui mit fin à la présence française en 1954 et ultimement à la partition du pays en deux, en vertu de l’accord de Genève, le nord d’obédience communiste, le sud pro-occidental.

 

En 1963, les conflits nord-sud reprennent avec l’intervention militaire massive des États-Unis. Cette nouvelle guerre ravagea le pays, coûta la vie à plus de 2 millions de Vietnamiens ; elle prit fin en 1975, environ 12 millions de personnes durent alors s’expatrier. C’était le début de la grande diaspora vietnamienne. En 1976, les deux parties du pays furent réunifiées sous une seule direction, socialiste.   Les décennies qui suivirent furent marquées à la fois par des conflits sanglants avec le Cambodge, mais aussi par des efforts en vue d’une ouverture internationale et d’une stabilisation politique et économique.

 

Le Vietnam n'est pas seulement ce pays naguère déchiré et bombardé, que plusieurs guerres successives ont rendu tristement célèbre et incroyablement présent dans la mémoire collective de l’humanité. Il possède de fait une civilisation unique et riche, des paysages et des sites naturels spectaculaires et un peuple particulièrement cultivé et hospitalier. Il vit désormais en paix et est tourné vers son développement. Cependant l’éclosion du SIDA, la pauvreté de ses régions rurales, l’effritement de sa gratuité scolaire et de la prise en charge des soins de santé constituent néanmoins quelques-uns de ses défis de taille, faisant contrepoids à l’économie de marché. Le tableau comparatif  suivant offre un aperçu statistique de la situation du Viêtnam par rapport à celle du Canada, selon certains indicateurs.


La culture vietnamienne

La culture vietnamienne s’est forgée à travers les siècles à partir de courants philosophiques et religieux « hybrides ». Le bouddhisme est la première religion apparue au Vietnam. Ses origines remontent en Inde au IIe siècle de notre ère ; le bouddhisme s'est par la suite largement répandu dans l’Asie du sud-est. Pour sa part, le confucianisme s’y est introduit un peu plus tard par le biais de la Chine. Il s’agit plus d’un mode de vie que d’une véritable religion, qui implique un code éthique et moral forgé sur 5 vertus : l'humanisme, l'équité, la politesse, l'intelligence et l'honnêteté. Le code met l’emphase sur la hiérarchie de la société et le culte des ancêtres. Tandis que le Taoïsme, religion, également en provenance de la Chine, met l’accent sur l’harmonie avec la nature. Cette "triple religion" le « Tam Gia » a exercé une profonde influence sur les attitudes individuelles et la vie sociale, laissant au passage de nombreuses empreintes dans le domaine culturel.

 

Au cours des siècles se sont rajoutées des moyens populaires et plus récemment des religions monothristes. En accord avec les principes confucéens, l’unité de base de la société est la famille, qui sert de pont entre la société et l’individu. Comme noyau central de la vie de l’individu, la valeur familiale crée la loyauté, l’obligation, la coopération, l’interdépendance et la réciprocité. Enracinés dans un sens profond de la responsabilité et de devoir envers la famille, les différents membres font des efforts soutenus pour le bien être et la bonne réputation de leur clan. Les valeurs familiales et la piété filiale incluent le respect des aînés, des ancêtres et du passé. L’individu est considéré comme le produit de toutes les générations de la lignée familiale et son comportement a des répercussions sur la réputation de la famille et des ancêtres. Dans cette culture, le but de l’existence est de réconcilier toutes les forces divergentes, les principes et les points de vue antagonistes, dans un effort constant d’esprit de concorde.

 

Conformément aux préceptes bouddhistes et confucéens, l’assiduité, la patience, la détermination, l’endurance, la tolérance et l’accommodation sont d’une importance capitale pour le vietnamien, qui a l’aptitude de persévérer, sans trop se plaindre et de souffrir en silence. Plusieurs études menées au Vietnam ou sur la diaspora vietnamienne ont souligné ces caractéristiques psychiques et leurs influences sur la consultation médicale en santé mentale. La maîtrise de soi est une valeur traditionnelle ; le vietnamien évite généralement d’exprimer ses émotions. L’ensemble de ces traits de caractère sont renforcés par l’orientation fataliste selon laquelle, tout est inexorablement fixé d’avance par le destin. Ainsi le vietnamien témoigne d’une certaine résignation face aux conditions ou événements extérieurs, sur lesquels il a traditionnellement très peu ou pas de contrôle. Si la souffrance humaine est considérée comme un ordre naturel, l’acceptation de son sort, le contrôle de ses émotions sont aussi considérés comme étant nécessaires à la dignité. Si dans la culture occidentale l’emphase est mise sur l’individualisme, la culture orientale prône pour sa part le collectivisme. Le vietnamien s’efforcera toute sa vie durant de maintenir une harmonie intrapsychique, interpersonnelle en étant en unisson avec la nature. L’économie de marché et la valorisation relativement récente des biens individuels tend néanmoins à modifier certaines de ces valeurs, surtout en région urbaine, à Ho Chi Minh Ville, par exemple. Ce qui implique la dérive de certaines familles, de certains jeunes.

 

La structure familiale

« Il faut s’occuper de la famille, puis gouverner le pays et pacifier le monde. »

 Sagesse populaire vietnamienne

 

Que l’on parle de la famille immédiate ou de la famille élargie, l’institution sociale de base qu’est la famille au Viêtnam est une structure hiérarchisée où le rôle du fils est mis en valeur et où l’aîné détient des droits et des pouvoirs spécifiques. Chaque membre a son rôle à jouer, tout en étant dépendant du rôle des autres.

Au sein de la famille, le rôle et la responsabilité des parents envers les enfants sont plus importants que les rapports conjugaux. Les parents sont prêts à sacrifier beaucoup de leur temps et de leurs biens, afin de procurer la sécurité et le bien être aux enfants. Chez les vietnamiens, les parents ordonnent, les enfants écoutent et obéissent. Le comportement de ces derniers reflète l’aptitude de ses parents à enseigner les bonnes manières. Les enfants sont dissuadés d’exprimer ouvertement leurs émotions, surtout lorsqu’il s’agit d’émotions négatives, l’expression des émotions étant perçues comme dérangeante pour l’harmonie familiale. Dans cette culture où les gens vénèrent leurs ancêtres, l’harmonie familiale a préséance sur l’harmonie personnelle.

 

Dans la famille, un nouveau né est un cadeau des dieux. Ce n’est qu’à partir de l’âge scolaire que l’enfant commence à être intégré dans la vie sociale et à participer aux activités familiales. A ce stade de la vie le père joue un rôle plus actif, en vue d’un développement social et moral adéquat de l’enfant. Ainsi la relation parent enfant devient plus formelle, les adultes qui étaient indulgents, réclament des enfants une discipline stricte et irréprochable. Le plus vieux s’occupe du plus jeune. Comme un parent, il lui sert de modèle et est prêt à se sacrifier pour son bien-être ; en retour, le plus jeune doit respect à son grand-frère. Un enfant qui désobéit, est sujet à des punitions d’ordre verbal (réprimande) ou même physique (fessée).

 

Du point de vue éducatif, le statut conféré aux enseignants et la portée sociale du savoir ont clairement établi l’importance de l’éducation pour les Vietnamiens. Ainsi on inculque aux enfants le respect face aux connaissances, à la sagesse et à l’intelligence. Dans la famille vietnamienne, les parents s’efforcent de donner une bonne formation à leurs enfants et ces derniers doivent en retour  prendre leur responsabilité en vue de réussir, ce qui leur permettra d’honorer la famille et de rehausser son statut social et économique. Comme dit ce proverbe.

 

UNE ÉTUDE SUR LE TERRAIN

Dans le cadre de cette recherche entreprise en septembre 2003, la visite d’institutions ayant charge d’enfants abandonnés au Viêt Nam (orphelins, jeunes de la rue, handicapés physiques ou intellectuels) a permis la cueillette d’informations nécessaires au déroulement du Projet Tre em.. Il s’agissait de questions dont les réponses devaient être dessinées par les jeunes.

 

Méthodologie  de  l’étude

Il y a plus de 200 institutions du genre au Vietnam; treize (13) institutions sur plus d’une trentaine d’orphelinats répertoriés à l’occasion du projet   avaient accepté la visite des investigateurs de la Société de pédiatrie internationale et des représentants de l’ONG « Terre des Hommes » (Organisation non gouvernementale). À quelques jours de préavis, l’orphelinat (L) a décliné l'offre de visite et de participation au projet. Deux institutions (J et K) ont accepté qu’on les visite, mais se sont ravisées sur le déroulement du projet et donc sur la distribution des questionnaires aux enfants. Une institution (M) a accepté de participer, mais n’a ultérieurement livré aucune contribution mesurable.  Une brève description technique des visites des investigateurs, orphelinat par orphelinat est présentée.

 

Présentation des orphelinats

Orphelinat/institution A (Nombre de questionnaires : 25)

L’orphelinat A est un centre public géré par l’état situé au Nord (près d’Hanoi, la capitale). Le personnel en place administre également un programme d’accompagnement dans la communauté, permettant le placement en famille d’accueil de deux cent quarante neuf (249) orphelins. L’accueil de l’équipe,  en particulier vis-à-vis de l’investigateur Dr. Jean-François Chicoine qui connaissait déjà les lieux, a été  enthousiaste, la directrice se disant honorée par cette visite. Avec l’aide d’un travailleur social, les questionnaires ont été directement distribués aux enfants vivant au sein des murs de l’institution, avant ou après leur retour de l’école. Assis à un pupitre ou dans leur lit, les jeunes ont  consacré de une heure et demi à deux heures, pour réaliser leurs dessins. Ils ont posé peu de questions, ont semblé assez impressionnés par la figure d’autorité que représentait l’équipe, mais poursuivirent leur tâche avec le sourire, beaucoup d’attention et de discipline. Un à un, ils remirent fièrement leur travail. Aucun contrôle des dirigeants de l’orphelinat ne sembla avoir été effectué sur le contenu des questionnaires. Vingt cinq jeunes ont participé à cette étude, douze de sexe masculin, douze de sexe féminin et un dont le sexe n’a pu être précisé, l’enfant ne l’ayant pas mentionné sur son questionnaire

 

Orphelinat/institution B (Nombre de questionnaires : 130)

L’orphelinat B est aussi sous la tutelle de l'État. Il est situé dans une petite ville traversée par la route principale qui mène vers le sud du Vietnam. Le centre accueille plus de quatre cents (400) enfants, de quatre à seize ans : des orphelins, des handicapés intellectuels, des enfants sourds ou abandonnés certains pouvant déjà être orientés professionnellement. Cependant, étant donné que la majorité des enfants ont reçu de l’assistance du personnel de l’orphelinat dans leurs dessins et qu’ils ont eu de la difficulté à aller au-delà d’une ou deux réponses, il a été décidé de ne pas tenir compte de ces questionnaires dans notre analyse de recherche.

 

Orphelinat/institution C (Nombre de questionnaires : 8)

L’orphelinat C est situé au nord du Vietnam et a la charge de 26 enfants, de moins de 6 ans, de 8 enfants âgés entre 6 et 16 ans et d’une trentaine de vieillards sans abri, qui, comme c’est souvent la coutume au Vietnam, cohabitent avec les orphelins. Contrairement aux orphelinats A et B, l’accueil du questionnaire a été au départ moins chaleureux, mais les responsables se sont finalement laissés convaincre. Les questionnaires ont été distribués aux jeunes à leur retour de l’école, dans une salle commune. Compte tenu des autres activités prévues à l’horaire, les enfants ont eu une heure et demie pour achever leurs dessins et remettre le questionnaire. Aucun contrôle des questionnaires n’a été effectué par l’équipe de direction. Huit jeunes de sexe masculin ont participé à cette étude.

 

Orphelinat/institution D (Nombre de questionnaires: 32)

L’orphelinat D est situé au sud du Vietnam et est à la fois public et privé. Il est localisé dans une petite ville à proximité d’une plage immense, dotée d’une importante infrastructure récréo-touristique. L’orphelinat est responsable de quatre vingt (80) enfants. Il n’y a pas de centre de formation. Le directeur de l’orphelinat est un ancien militaire. Contrairement aux orphelinats précédents, un contrôle des questionnaires a été fait. Pour cet orphelinat, il y a eu trente deux participants (32), dont quinze de sexe masculin, seize de sexe féminin et un dont le genre n’a pas été précisé.

 

Orphelinat/institution E (Nombre de questionnaires : 24)

L’orphelinat E est aussi un centre du sud du Vietnam géré par l’État ; il est situé près de l’orphelinat D. Soixante-seize (76) enfants, d’un mois à 18 ans, y sont hébergés. Certaines pièces sont consacrées à la formation en couture, en musique et en chant. Lors du projet, les enfants ont été réunis dans une salle commune. La directrice anticipait très positivement la visite de l’équipe. Aucun contrôle des questions n’a été fait par les autorités. Il y a eu beaucoup d’ambiance, les enfants semblant heureux de s’acquitter de leur tâche. Vingt quatre jeunes ont participé à notre étude, soit seize garçons et huit filles.

 

Orphelinat/institution F (Nombre de questionnaires : 16)

L’orphelinat F est un centre public du sud du Vietnam, où habite une quarantaine (40) d’enfants, de quelques jours de vie à 18 ans, et des vieillards sans famille. Nourrices et enfants ont été réunis dans la grande salle commune. Deux heures ont été nécessaires pour la réalisation des questionnaires et des dessins. Aucun contrôle n’a été effectué par les autorités. Seize enfants ont participé à cette étude, soit onze garçons et cinq filles.

 

Orphelinat/institution G (Nombre de questionnaires : 1)

L’orphelinat G est un centre privé du sud du Vietnam financé à la fois par des fonds venant de l’étranger et par l’état. C’est un centre entièrement voué à la prise en charge d’enfants et d’adultes sidéens. Un seul questionnaire a été distribué, à une jeune sidéenne, prostituée et usagère de drogues intraveineuses.

 

Orphelinat/institution H

L’orphelinat H est un centre privé financé par l’organisation non gouvernementale ONG "Terre des Hommes". L’orphelinat accueille majoritairement de jeunes nourrissons et des enfants de moins de cinq ans donc non en âge de répondre aux questions. L’accueil a été positif, nous a livré plusieurs informations subjectives, mais évidemment, aucun dessin.

 

Orphelinat/institution I (Nombre de questionnaires Enfants : 21)

L’orphelinat I accueille au centre du Vietnam de jeunes orphelins de sept ans et plus, ainsi que des jeunes de la rue, en tout plus de cinquante (50) enfants dans une infrastructure extrêmement précaire. À leur retour d’école, les enfants ont été invités à s’asseoir à table pour se mettre au dessin. Vingt et un questionnaires ont été remplis parmi eux, soit par six garçons, cinq filles et dix dont le sexe n’est pas précisé.

 

Orphelinats/institutions  J, K, L, M

L’orphelinat J a accepté la visite, mais a refusé l’enquête. L’orphelinat K a demandé d’annuler le projet. L’orphelinat L a pu être visité, mais sans pouvoir y effectuer l’étude. Dans l’orphelinat M géré par des sœurs bouddhistes les questionnaires ont été distribués, mais n’ont pas été remplis. La bonzesse en chef s’expliqua ainsi, bouddhisme oblige : « Notre réponse est bonté : c’est à travers la bonté, docteur, que vous trouverez la réponse à toutes vos questions.»

 

Contenu du questionnaire et traitement des données

Les jeunes ont été invités à répondre sous forme de dessins à cinq questions:

 

  • Le phénotype qui correspond le plus au poids « santé » (échelles de Collins)

 

  • Le métier qu’ils aimeraient exercer plus tard.

 

  • Le métier qu’ils n’aimeraient pas exercer plus tard

 

  • La représentation de la famille idéale qu’ils aimeraient fonder

 

  • La perception qu’ils ont du sida en terme de gravité et de mode de transmission

 

Lors de l’élaboration du questionnaire, l’équipe a bénéficié sur place de trois interprètes, déjà initiés aux besoins des enfants institutionnalisés. Les questions ont été traduites du français au vietnamien par une seule traductrice. Les réponses écrites qui accompagnaient parfois les dessins ont été traduites par deux autres traducteurs du vietnamien au Français.

 

Remarque préliminaire

On ne discutera pas dans cette étude des raisons de l’abandon des jeunes de la symbolique que cela représente dans cette culture, ni de ses impacts médicaux au sens large du terme. On soulignera simplement que les enfants se retrouvent le plus souvent à l’orphelinat pour des raisons économiques, vu l’extrême pauvreté de leurs familles d’origine, ou en raison de la perte d’un parent, ou de la violence familiale,  de plus en plus à cause du SIDA d’un ou des deux parents, ou enfin en raison d’handicaps non pris en charge par des services sociaux inefficients.

 

Résultats

 Du nord au sud du Vietnam, cent vingt sept (127) enfants et adolescents vivants en orphelinats se sont exprimés par le dessin sur les cinq questions posées. Parmi eux, 68 (53.5%) sont des garçons, 47 (37%) sont des filles et 12 soit 9% ( fig. 1) des répondants n’ont pas indiqué leur sexe sur le questionnaire. 24 participants (19%) ont entre 8 et 11 ans, 102 (8%) ont entre 12 et 19 ans et un répondant n’a pas précisé son âge.

 

figure 1

 

Première question : « Choisis le poids "santé" pour un garçon ou une  fille indépendamment du fait que tu sois un garçon ou une fille »

 

Pour cette question on a utilisé les figures de l’échelle de Collins (déjà validée), où les enfants devaient choisir le garçon et la fille qui paraissaient en bonne santé. Les tableaux 4 et 5 nous donnent respectivement la vision des répondants concernant le poids "santé" du garçon et de la fille.

 

La majorité des réponses correspondent au poids "santé",les autres réponses s’orientant vers un poids au dessus de la normale. En effet, pour le poids "santé" du garçon, 61 (@ 48%) enfants ont choisi le bon poids, 38 (@ 30%) ont choisi le surplus de poids et 3 (@ 2.4%) ont choisi l’obésité. Pour le poids "santé" de la fille, 90 (@ 70%) ont choisi la bonne réponse, 8 (@ 6.3%) ont choisi le surplus de poids et 4 (@ 3.1%) ont choisi l’obésité. 25 participants n’ont pas répondu à cette question, soit un pourcentage de @ 19.7% des répondants.

 

Deuxième question : « Dessine un métier ou une profession que tu aimerais exercer. »

La deuxième question a occasionné des réponses extraordinairement variées, catégorisées dans le tableau 6. Plusieurs enfants ont dessiné des métiers en rapport avec la santé, soit des médecins, des infirmières, des dentistes ou en rapport avec l’enseignement, des instituteurs, institutrices, professeurs, ou dans le maintien de l’ordre, des policiers, des militaires. Certains d’entre eux s’intéressent au sport, plus particulièrement au soccer (football), d’autres ont choisi d'illustrer un métier d’artiste (peinture, musique). Pour cette question, 122 jeunes ont répondu,  66 garçons, 46 filles et 10 dont le sexe est non précisé. Les tableaux 6 et 7 montrent en fonction du sexe et de l’âge, les choix de réponse des  participants.

 

Troisième question : « Dessine un métier ou une profession que tu n'aimerais pas exercer ».

Cette question a occasionné encore des réponses extrêmement diversifiées, plusieurs se référant à des activités illicites de rue (toxicomanie, mendicité, vol…), d'autres illustrant des métiers traditionnels (Pêcheur, riziculteur, porteur d’eau…). Bon nombre d’enfants refusent d’exercer un métier relié de près ou de loin à la sécurité publique et à la guerre (militaire, policier, agent de circulation). 115 jeunes ont répondu,  68 garçons, 47 filles et 12 de sexe non précisé. Les tableaux 8 et 9 illustrent les différents choix de réponse

 

Quatrième question : « Dessine la famille que tu aimerais bâtir ».

La majorité des répondants ont choisi de dessiner une famille "classique". On y retrouve deux parents, un frère ou une sœur, des grands-parents. Les familles sont représentées dans des jardins ou sont attablées devant un bon repas, avec pour certain un téléviseur. Quelques enfants représentent plutôt une maison, avec veaux, vaches et autres animaux, des moyens de transport qui vont de la bicyclette à la voiture, mais sans personnage. Pour cette question, 111 réponses ont été obtenues, les tableaux 10 et 11 relatent le choix des différents répondants concernant la famille et les conditions matérielles rêvées.

 

Dessine «ta vision du VIH/SIDA»

Les réponses dessinées vont des aspects sociaux du fléau, jusqu'aux effets physiques de la maladie en phase terminale. Un seul dessin illustre une contamination via une relation sexuelle, alors que des dizaines représentent des seringues et la toxicomanie, dont des cigarettes, l'accent étant généralement mis cependant sur la maigreur, l'asthénie et les dangers reliés aux comportements immoraux. Beaucoup de têtes de mort y figurent. Pour cette question, 96 réponses ont été obtenues, 57 garçons, 33 filles et 6 de sexe non précisé. Bien des dessins recueillis pour cette question sont ininterprétables. L’on peut se demander si ces jeunes avaient  compris la question, quelles consignes avaient été formulées par les instructeurs vietnamiens ou est-ce que ce sujet est considéré comme tabou ? 

 

 

Discussion

Parmi les orphelinats visités, sept seulement sont considérés dans notre étude, pour les raisons qui ont été mentionnées précédemment. Ce petit groupe de 127 jeunes interrogés, ne représente qu’un échantillonnage très restreint, quand on considère qu’au Vietnam on compte environ 26 millions d’enfants et d’adolescents âgés de plus de 5 ans. 

L’analyse des réponses nous amène aux commentaires suivants :

 

À la première question sur «le poids "santé" »

Il est à constater que les garçons des orphelinats se voient bien avec un surplus de poids, mais ils sont moins tolérants en ce sens envers les filles. Ce désir d’embonpoint découle sans doute du phénomène récent de l’urbanisation, qui prévaut dans tous les pays dont le Vietnam même ceux en voie de développement, où les différences entre régions rurales et urbaines atteignent des records d’inégalités en terme d’apports alimentaires. En ce qui concerne les filles, à la différence des garçons, elles ne se voient pas majoritairement avec un surplus de poids, même si 2 entre elles ont choisi l’obésité comme poids santé. Globalement, leur vision du poids santé du garçon concorde avec celle des garçons de leur institution. On peut donc en conclure que les jeunes ont une bonne vision du poids convenable qu’il faut avoir, même s’il y a une légère tolérance pour la vision d’un garçon avec embonpoint.

 

À la deuxième question sur «la profession rêvée, désirée »

…soit par recherche d’idéal (comme tous les enfants de la planète), soit parce qu’ils  ont des  modèles d’autorité devant eux au quotidien, plusieurs jeunes ont dessiné des métiers de l’enseignement (instituteurs,  institutrices, professeurs), des métiers de la santé (médecins, infirmières) et de l’ordre (policiers, militaires). Il ressort une certaine tendance chez les filles de plus de 12 ans à vouloir se lancer dans l’éducation, un métier d’ailleurs valorisant pour la femme vietnamienne. L’importance accordée à l’éducation et aux enseignants par les vietnamiens explique sans nul doute cette tendance. Dans le secteur de la santé, les garçons sont majoritaires (10 garçons pour 3 filles). Plusieurs autres enfants (10 garçons et 6 filles) ont choisi d'illustrer un métier d’artiste (chanteur, musicien, peintre, danseuse…). Il est à noter que contrairement aux garçons, peu de filles s’intéressent aux activités sportives ; serait-ce une question de culture ? Par ailleurs, certaines institutions qui ont été visitées (B, E) sont également des écoles de métier: électronique, électricité, couture, menuiserie, etc. Ainsi, plusieurs enfants ont illustré le travail dans lequel ils sont déjà engagés. Enfin, certains d’entre eux ont exprimé dans leurs dessins le désir de voyager, dans le but de   poursuivre leurs études.

 

De façon générale,  les jeunes ont montré à travers leurs dessins qu’ils ont des beaux projets d’avenir et ce en gros dès l’âge de douze ans.

 

 

À la 3e question sur la profession honnie

Pour cette question,  29 jeunes,  17 garçons, 9 filles et 3 de sexe non précisé en ont profité pour exprimer dans leurs dessins leur désaccord avec les métiers traditionnels tels que pêcheur, jardinier, porteur d’eau, riziculteur....Peut-être entretiennent-ils une colère envers leurs familles abandonnantes, souvent issues des milieux ruraux ? Peut-être souhaitent-ils que leurs propres enfants soient exclus du continuum intergénérationnel de l’abandon ? D’autres enfants (8 garçons et 8 filles) ont illustré, comme métier qu'ils ne voudraient pas exercer, des activités illicites de la rue. En effet au Vietnam pour survivre plusieurs enfants sont obligés de travailler et d’autres survivent dans la rue grâce à la mendicité, la prostitution.

 

Bon nombre d’enfants se sont exprimés très clairement contre la guerre et plus directement contre leur implication éventuelle au centre d’un conflit, en tant que militaire. Les différentes guerres qu’a connues le Vietnam ont sans doute laissé des séquelles psychologiques, qui ne laissent pas indifférents les jeunes. Ils lancent un message de paix à travers leurs dessins et commentaires Ainsi, dans son orphelinat du Nord, Thi Hanh a écrit: «Je souhaite que la paix règne partout dans le monde. Je déteste les fusils et les balles. Cela nous apporte des douleurs.».

 

 

 

À la question 4 sur la famille idéale qu’ils aimeraient bâtir

Presque tous les jeunes ont dessiné une famille  «classique» (père, mère, enfants), avec des variantes de famille élargie ou monoparentale. A noter que les dessins sont colorés et dégagent une impression de bonheur idyllique. D’autres enfants par contre ont dessiné des maisons sans personnage, où l’accent est mis sur le matériel château, télévision, bicyclette, la nature (jardin, étang) et les animaux. Dans leurs réponses à cette question, on ressent toutes les influences du kaléidoscope culturel sur ces jeunes vietnamiens. Un enfant dessine comme famille rêvée un orphelinat ; à cet égard toutes les interprétations sont possibles.   Un autre enfant trace quelques traits et écrit, au lieu de dessiner:«une paillote qui héberge deux cœurs d’or», une expression usuelle au Vietnam qui signifie que, malgré les conditions de vie difficile, la vie peut quand même être belle, quand deux personnes ont la possibilité de s’aimer.

 

 

À la dernière question sur la vision qu’ils se font du VIH/SIDA

Ils sont nombreux, les enfants qui, à travers leurs dessins, s'enfuient devant le SIDA, par peur du danger en représentant beaucoup de tête de mort.  Aucun n’illustre une transfusion ou la possibilité d’une transmission verticale de la mère à l’enfant.  Le plus souvent, ils expriment plutôt un simple sentiment : ils n'aiment pas ça, n'aiment pas la vision de la maladie. La plus grande ambiguïté devant la question vient néanmoins de la confusion qui s'installe quand la réponse représente le tabagisme comme risque de transmission du SIDA.  Ainsi à cette question, de nombreux dessins illustrent la cigarette en lieu et place de la contamination au VIH. S’agit-il d’un sujet tabou, honteux et occulté comme l’indique l’exclusion sociale des bébés ou des enfants trouvés séropositifs? ou bien comme d’autres jeunes sur la planète les voies de transmission sont méconnues et floues, avec un amalgame entre toxicomanie, tabagisme, SIDA.  En 2002, on dénombrait 46045 cas d’infections à VIH et 6672 sidatiques au Vietnam, doncun réel problème de santé publique. Il faut noter que ces dernières années des efforts médiatiques des autorités publiques se sont faits autour de la promotion de la bonne alimentation, de la prévention du tabagisme, de la toxicomanie et du SIDA.

 

 

POURQUOI AVOIR UTILISE LE DESSIN COMME MOYEN D’EXPRESSION?

Regarder et comprendre le dessin d’un enfant  permet d’accéder à tout un champ de connexions associatives, sémantiques et affectives, que le simple dialogue n’offre que rarement l’occasion de révéler. Ainsi ce moyen de communication a été privilégié, les jeunes exprimant leurs aspirations face à leur avenir à travers une activité concrète comme le graphisme.

 

Cependant, alors que le jeune enfant  est un artiste en puissance, ces moments magiques de créativité sont malheureusement éphémères. Pour la majorité des préadolescents, il y a  l’abandon progressif de l’expression graphique pour d’autres centres d’intérêt plus pragmatiques.  Toutefois, les différences culturelles constituent un sujet de réflexion particulièrement riche, en autant que le chercheur ne les considère pas sous un angle normatif et ethnocentrique. Il n’existe que très peu d’études comparant les performances d’enfants appartenant à des groupes culturels différents et concluant en terme d’avance ou de retard de développement d’un des groupes, oubliant que le dessin est un système de signes, qui ne prend de signification que dans un espace culturel défini.

 

Nous ne citerons ici qu’une recherche, qui compare les dessins d’enfants vietnamiens et américains. L’étude de Delatte (1978) faite sur quatre-vingt-treize (93) enfants vietnamiens de dix ans, de niveaux socio-économique bas, réfugiés aux Etats-Unis depuis six mois, auxquels on a demandé de dessiner un personnage, montre qu’à partir de la grille d’analyse de Goodenough, les dessins de ces enfants obtiennent des scores plus élevés que les enfants américains de mêmes âges. L’explication en serait que l’enseignement vietnamien, qu’ils ont suivi auparavant, insiste sur la précision et que le « beau » dessin est plus élaboré. Une importance particulière est donnée aux détails des différents éléments, les yeux par exemple, détails particulièrement pondérés dans l’échelle de Goodenough. Dans notre étude, effectivement on a recueilli des dessins extrêmement beaux, et ceci malgré les conditions de vie difficiles de nos participants en situation de rupture familiale.

 

Sur le plan graphique, quel est le degré d’universalité du dessin, et quelles sont ses modalités de développement à travers les cultures ? Les enfants dans leur expression graphique, suivent-ils tous les mêmes lois d’évolution ou bien ces lois sont-elles nuancées par l’influence du contexte ? Tous les enfants du monde n’abordent pas semble-t-il, la page blanche dans le même esprit et de la même manière, des règles particulières s’établissant en fonction des modèles et des stimulations proposées par l’environnement. Les recherches faites sur ce sujet semblent conclure que chaque société, chaque groupe, s’exprime graphiquement de façon différenciée et spécifique, sans exclure pour autant l’existence de signes et de règles universels.

 

Le graphisme de l’enfant est  « une sémantique ouverte » (Osson 1981), où chaque signe se combine à un autre de manière toujours plus complexe. Cette sémantique témoigne bien évidemment de la personne, de son individualité, de sa quête identitaire chez l’enfant abandonné, de ce qu’elle est dans le moment présent, mais aussi, sans aucun doute, d’un savoir collectif légataire d’une convention symbolique. On peut penser que, comme tout langage, le dessin est profondément marqué par les fondements essentiels de la culture et reflète de manière privilégiée bien des valeurs qui sous-tendent la communication sociale. Au delà de la dimension biologique, l’élaboration des signes et leur assemblage sont des indices de socialisation, « d’enculturation » : dessiner c’est pour l’enfant apprendre à utiliser des symboles et à manipuler les relations ou les règles qui lient les signifiants aux signifiés dans son environnement.

 

Le dessin traduit la manière d’être, d’agir et  de penser. Porot (1952) a été l’un des premiers à codifier cette situation d’examen proposé à l’enfant, en lui demandant : « dessine ta famille ». Cette question s’apparente à la nôtre, quoique appliquée à des jeunes plus avancés en âge et, en l’occurrence, pour une bonne part du groupe, en deuil de famille.

 

Cependant, en dépit de toutes les valeurs du dessin, cette méthode a ses faiblesses, que l’on doit  mentionner. En effet plusieurs facteurs peuvent être considérés comme limitants. Pour réaliser son dessin, l’enfant doit tout d’abord avoir à sa disposition le matériel nécessaire ; par conséquent tout manque de matériel constitue un handicap à la réalisation du dessin. Tout comme le matériel, le temps accordé est aussi un facteur dont on doit tenir compte. Un temps insuffisant pourrait donner lieu à des résultats très peu satisfaisants, à des taches inachevées par exemple, mais aussi pourrait permettre l’émergence d’un autre facteur, qui lui aussi constitue un handicap : le stress. Par exemple dans le cadre de ce projet, un enfant stressé quelqu’en soit la raison, va-t-il prendre le temps de dire à travers son dessin (si toutefois il arrive à le réaliser) ce qu’il aime ou ce qu’il n’aime pas, ou va-t-il se contenter de ne rien  répondre ? Par ailleurs, à partir d’un certain âge l’enfant se croyant incapable de dessiner, comme on l’a dit plus haut, on se demande si ce n’est d’ailleurs pas la raison pour laquelle on a eu autant de réponses ininterprétables ou pas de réponses du tout. Enfin si le travail n’est pas individuel, un problème se pose, car l’enfant se contente de copier la réponse de son voisin ou dessine tout simplement ce qui lui a été proposé, dans le cas où l’enfant serait supervisé par un adulte. Tous ces facteurs constituent des biais dans le cadre d’une étude basée sur l’expression graphique. En ce qui concerne cette étude, les répondants avaient tout le matériel nécessaire fourni par les investigateurs et deux heures leurs étaient accordées pour réaliser les différents dessins. Une bonne majorité des répondants ont eu le temps de répondre à toutes les questions et bon nombre d’entre eux ont réalisé de très beaux dessins,  ce qui nous pousse à croire que le temps accordé aux enfants pour remplir leur tache était suffisant et que leur créativité n’était pas encore étouffée.

 

Par la richesse des dessins obtenus, on réalise que forcément le dessin est un message. Il peut raconter tout ce que l'enfant ne peut formuler verbalement. C'est un univers d'élans et de désirs, où les émotions peuvent être très intenses, mais également où elles peuvent être très ponctuelles. C'est pourquoi la prudence est de rigueur.

 

Cette étude, elle, n’a donné qu’un instantané de l’imaginaire des jeunes. Le dessin est le monde intérieur de l'enfant et à ce titre, il mérite beaucoup de respect. Quelles que soient les pulsions ou l’altérité exprimées dans le graphisme, elles sont vitales et demandent à être libérées. Le dessin peut jouer le rôle de soupape de sécurité. Par exemple, les enfants de la guerre (Liban, Ex-Yougoslavie, etc.)  ont exorcisé leurs cauchemars par le dessin, révélant toutes leurs capacités de résilience. À l’instar de l’écriture ou de la narration, le dessin s’inscrit dans les activités de re-construction de la personne, aptes à permettre l’émergence d’un futur de plus en plus probable.

 

C'est donc un message fondamental. On y trouve les questions secrètes, les joies, les angoisses, l'amour ou la peur. Parfois le jeune n'a pas les mots pour exprimer ce qu'il ressent, et à l’orphelinat, pas toujours les oreilles pour l’entendre d’une manière exclusive. Le dessin à lui seul parle, parfois même à travers des symboles comme le soleil, l'eau, les arbres ou une maison.

 

Tous les enfants n'ont pas la même adresse dans l’art graphique, ce qui explique des dons différents. Peu importe le talent de l’artiste, l’important c’est de pouvoir s’exprimer à travers son dessin. Nos jeunes interlocuteurs, en dépit des limites du dessin sus mentionnées, ont su s’exprimer assez clairement concernant ce qu’ils veulent, ou pas, concernant leur aspiration et leur vision de l’avenir.

 

COMMENT  S’INSÈRE  NOTRE  PROJET  DANS  LA  CONJONCTURE ACTUELLE    DU    RESPECT   HUMAIN?

Depuis ses fondements, l’UNICEF invite le monde à s’intéresser à la situation des enfants, aux nombreux laissés-pour-compte du fonctionnement des sociétés nationales et de l’économie mondiale. Dans son dernier rapport sur « La situation des enfants dans le monde (2004)», l’Unicef relance un appel à la mobilisation de tous les pays, sur tous les continents, pour la défense fondamentale des enfants afin que tous les gouvernements  se fixent des normes. La Convention relative aux droits de l'enfant telle qu’adoptée à l’assemblée générale des Nations-Unis en 1989, a été ratifiée par la presque totalité des pays du monde. En y souscrivant, les gouvernements ont pris l'engagement de protéger et de garantir les droits des enfants et ils ont accepté d'avoir à répondre devant la communauté internationale de la façon dont ils s'acquittent de cet engagement. Le Vietnam a été le premier pays en Asie et le second dans le monde à ratifier la Convention des Nations Unies pour les Droits de l'Enfant. Il s'est doté d'un Plan National d'Action pour les Enfants, qui définit des objectifs précis en termes de santé, nutrition, éducation, protection de l'enfance, eau, infrastructures sanitaires, culture et loisirs.

 

Les valeurs ou ‘principes directeurs’ sur lesquelles repose la Convention régissent la façon dont chaque droit est exercé et respecté et il y est fait constamment référence pour appliquer les droits des enfants et suivre la situation dans ce domaine. Les quatre principes directeurs de la Convention sont les suivants :

 

 

1er principe : non-discrimination

 

Article 2

« 1-. Les États parties s'engagent à respecter les droits qui sont énoncés dans la présente Convention et à les garantir à tout enfant relevant de leur juridiction, sans distinction aucune, indépendamment de toute considération de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou autre de l'enfant ou de ses parents ou représentants légaux, de leur origine nationale, ethnique ou sociale, de leur situation de fortune, de leur incapacité, de leur naissance ou de toute autre situation.

2-. Les États parties prennent toutes les mesures appropriées pour que l'enfant soit effectivement protégé contre toutes formes de discrimination ou de sanction motivées par la situation juridique, les activités, les opinions déclarées ou les convictions de ses parents, de ses représentants légaux ou des membres de sa famille ».

 

Au Vietnam, les minorités ethniques sont parfois les populations les plus laissées à l'écart du développement général du pays. Elles représentent 11 millions (soit 14% de la population du Vietnam), et vivent dans les régions rurales les plus pauvres (provinces les plus au sud du delta du Mékong, hauts plateaux du centre et du nord). Elles ne bénéficient pas  d'infrastructures, en terme de communication, d’éducation et de santé et sont en état  de précarité générale. De ce fait, il arrive que les jeunes n’aillent pas à l’école. Un groupe qui représente des enfants de huit pays d’Asie du Sud-est,  dont le Vietnam, ont envoyé le message suivant : « Nous voulons un monde où il n’y a pas de discrimination entre les garçons et les filles, entre les personnes valides et celles qui ne le sont pas, entre les riches et les pauvres. Nous voulons un environnement sain, sûr et propre pour tous. Et nous voulons une instruction digne de ce nom et la possibilité de jouer, au lieu d’avoir à travailler ». Tous ces vœux peuvent nous paraître dérisoires, mais pour chacun de ces enfants hautement vulnérables, cela représenteraient des changements énormes dans leur vie.

 

2ième principe : intérêt supérieur de l’enfant

 

Article 3 

« 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale.

2. Les États parties s'engagent à assurer à l'enfant la protection et les soins nécessaires à son bien-être, compte tenu des droits et des devoirs de ses parents, de ses tuteurs ou des autres personnes légalement responsables de lui, et ils prennent à cette fin toutes les mesures législatives et administratives appropriées.

3. Les États parties veillent à ce que le fonctionnement des institutions, services et établissements qui ont la charge des enfants et assurent leur protection soit conforme aux normes fixées par les autorités compétentes, particulièrement dans le domaine de la sécurité et de la santé et en ce qui concerne le nombre et la compétence de leur personnel ainsi que l'existence d'un contrôle approprié ».

 

Famille: La Convention fait spécifiquement mention de la famille, en tant qu'unité fondamentale de la société et milieu naturel pour la croissance et le bien-être de tous ses membres, et en particulier des enfants. La responsabilité d'élever l'enfant incombe au premier chef aux parents, l’état  prêtant son concours à ceux-ci, en leur fournissant une aide matérielle et des programmes d'appui. Les États doivent également veiller à ce que l'enfant ne soit pas séparé de sa famille, à moins que la séparation ne soit jugée nécessaire dans l'intérêt supérieur de ce dernier. Au Vietnam, on peut aisément imaginer les difficultés de certaines familles (mère monoparentale ou non), grossesse non planifiée avec famille nouvellement agrandie non en mesure d’alimenter toutes ces bouches…ces diverses raisons pouvant être à l’origine d’abandon des enfants. Également, tel que rapporté par l’UNICEF, en raison du nombre croissant de cas d’adultes qui décèdent des suites du SIDA, plusieurs enfants se retrouvent  maintenant orphelins. La plupart des enfants de notre étude même s’ils ont grandi sans parents, ont cependant dessiné un foyer chaleureux, comme un rappel de leur filiation d’origine réelle ou rêvée et/ou comme un appel pour la construction solide de leur future famille.

 

Travail: Le Principe 9 de la Déclaration des Droits de L’enfants stipule « L’enfant doit être protégé contre toute forme de négligence, de cruauté et d’exploitation. Il ne doit pas être soumis à la traite, sous quelque forme que ce soit. L’enfant ne doit pas être admis à l’emploi avant d’avoir atteint un âge minimum approprié ; il ne doit être en aucun cas astreint ou autorisé à prendre une occupation ou un emploi qui nuise à sa santé ou à son éducation, ou qui entrave son développement physique, mental ou moral ». Dans la plupart des pays en voie de  développement, la rue est devenue un lieu de travail, quand ce n'est pas aussi un lieu de vie, pour de nombreux enfants. Mendiants, marchands à la sauvette, chiffonniers, vendeurs de journaux ou cireurs de chaussures, des millions d'enfants tentent ainsi de ramasser un peu d'argent pour assurer leur survie et parfois celle de leur famille. Bien sûr, ils ne sont pas scolarisés et sont exposés à tous les dangers de la rue, dont le trafic de drogue, la prostitution…. Dans ces conditions, inutile de dire que ces enfants ne peuvent espérer s’en sortir par l’éducation. Nos répondants ont profité dans notre étude pour illustrer les métiers qu’ils ne voudraient pas exercer, le vol, le recours à des activités illicites.  Dans les régions rurales, les enfants travaillent généralement sur la ferme, ceci parfois dès l’âge de 6 ans et l’on s'attend à ce qu'ils travaillent comme des adultes à l'âge de 15 ans. Plusieurs répondants ont exprimé dans leurs dessins qu'ils ne voulaient pas participer à des travaux physiquement trop durs ou qui les éloigneraient d'une vie scolaire ou civile. Parmi les travaux dessinés, on remarque ainsi plusieurs figures traditionnelles du Vietnam: la culture du riz, la pêche mais les images d’Épinal font place à des réalités nouvelles.

 

Éducation: L'éducation est un élément clé du développement d'un pays : elle permet d’améliorer la santé et la nutrition et de réduire indirectement, entre autre, la mortalité infantile. Elle donne à chacun la chance d’être à même d’exercer son rôle de citoyen. L’école a un rôle majeur à jouer, en ce sens qu’elle est un facteur essentiel de rassemblement et de cohésion sociale d’une communauté, qu’elle favorise l’expression, l’épanouissement et l’éveil de l’enfant, qu’elle développe son sens des valeurs, qu’elle lui permet de préparer son avenir et qu’elle fait de lui un acteur de l’évolution de son pays.

 

Selon l’article 28 : « les États parties reconnaissent le droit de l'enfant à l'éducation, et en particulier, en vue d'assurer l'exercice de ce droit progressivement et sur la base de l'égalité des chances ».

Dans notre étude, outre toute la variété des dessins de profession, on retrouve, entre autres,  des métiers de couturière et de mécanicien, ce qui correspond à l’enseignement professionnel dispensé dans les institutions visitées, ceci afin de donner un métier aux enfants qui, à leurs 18 ans, seront appelés à quitter l’orphelinat pour gagner le marché du travail.

 

3ième principe : survie et développement

 

Article 6 :

« 1. Les États parties reconnaissent que tout enfant a un droit inhérent à la vie.

2. Les États parties assurent dans toute la mesure possible la survie et le développement de l'enfant ».

 

 

Nutrition/Santé : Les enfants ont besoin d’aliments sains et nutritifs pour atteindre leur plein potentiel de croissance et de développement. Les dirigeants de tous les pays doivent s’assurer que tous les enfants du monde ont accès à une nutrition suffisante, à l’eau salubre, à des installations d’assainissement adéquates et à des soins de santé de qualité.

 

Selon cette convention « Les États parties reconnaissent le droit des enfants handicapés de bénéficier de soins spéciaux et encouragent et assurent, dans la mesure des ressources disponibles, l'octroi, sur demande, aux enfants handicapés remplissant les conditions requises et à ceux qui en ont la charge, d'une aide adaptée à l'état de l'enfant et à la situation de ses parents ou de ceux à qui il est confié ».

 

L’orphelinat B qui s’occupe d’enfants handicapés (intellectuels, moteurs, etc.) a été, comme mentionné, exclu de l’analyse formelle, la majorité des jeunes n’étant pas en mesure de dessiner, les responsables le faisant à leur place. Certains handicapés ont pu cependant exécuter leurs dessins et leur témoignage devient éloquent. Avec les limites qu’on peut supposer, telle la supervision des adultes à l’origine possible de réponses «politiquement corrects», on sent toutefois une spontanéité du dessin dans la forme, le choix des couleurs et dans le fond, qui laisse entrevoir un certain degré de latitude, bien évident d’ailleurs si on se fie à l’accueil chaleureux réservé à l’équipe par certains directeurs et directrices d’orphelinat progressiste, véritable agent de changement social pour les jeunes en difficulté. On réalise que la formation du personnel de telles institutions, qui sont  bien plus des milieux de vie que de simples refuges, est impérative (sine quanon).

 

4ième principe : intérêt supérieur de l’enfant

« Les enfants qui sont en mesure de se faire leur propre opinion ont le droit de l’exprimer librement, dans tous les dossiers qui les concernent, cette opinion devant être dûment prise en considération, compte tenu de leur âge et de leur niveau de maturité…  Une participation significative des enfants accroît la capacité de ceux-ci à vivre une citoyenneté responsable et à respecter les principes démocratiques ». À cet égard, il est difficile de répondre à la place de tous ces jeunes, mais il nous a semblé qu’ils jouissaient d’un certain espace de liberté, gage d’émancipation future.

Les orphelinats visités au cours de cette étude hébergent des orphelins, des laissers-pour-compte, des handicapés, des sidéens… Point n’est besoin de dire à quel point ces jeunes sont vulnérables et ont besoin d’être écoutés, compris et encadrés. À l’instar des grandes conventions qui leur réservent des plans d’action privilégiés, nous leur avons donné une petite voix et ils nous ont offert leurs rêves. Il serait vaniteux de penser qu’en initiant ce projet, on aurait la réponse à la misère humaine, à l’abandon des jeunes…  Néanmoins, il nous a semblé que nos jeunes interlocuteurs, malgré leurs difficultés, bénéficiaient jusqu’à un certain point des droits élémentaires énoncés dans la convention de l’Unicef, ce qui est tout à l’honneur du Vietnam.

 

À TITRE DE CONCLUSION

Comme l’a dit Carol Bellamy, directrice générale du Fond des Nations Unis pour l’enfance Unicef :« le développement durable d’un pays et la paix et la sécurité dans le monde ne sont possibles que si les droits et le bien-être des enfants sont garantis. Le rôle des dirigeants consiste intrinsèquement à s’acquitter pleinement, systématiquement et à n’importe quel prix de cette responsabilité. Celle-ci incombe essentiellement aux chefs d’Etat ou de gouvernement, mais l’engagement et l’action sont nécessaires à tous les niveaux : responsables et entrepreneurs locaux, artistes et scientifiques, chefs religieux et journalistes, sans oublier les enfants et les adolescents eux-mêmes ». Dans les années 90, on a admis que la croissance économique ne pouvait à elle seule conduire au développement humain. C’est au contraire le développement humain qui peut stimuler la croissance économique. Investir en faveur des enfants, c’est tout simplement le meilleur investissement qu’un gouvernement puisse faire. Aucun pays n’a pas pu se  hisser au niveau d’un développement durable, sans investir de façon substantielle au profit de ses enfants. Comme le déclarait finalement Mr Kofi Annan, secrétaire général de l’ONU « Une société qui se prive de sa jeunesse se prive de ses réserves d’oxygène ; elle signe alors son arrêt de  mort ». Lorsque les droits des jeunes sont défendus, leur force, leur créativité, leur enthousiasme, leur dynamisme et leur passion sont sources d’espoir, même dans les situations sociales les plus difficiles, et en dépit des virages économiques majeurs. Nous n’arriverons jamais à résoudre nos problèmes dans le monde, tant que nous n’apprendrons pas à mieux écouter les jeunes et à collaborer avec eux, en vue de faire évoluer les choses. C’est ce qu’on souhaite à tous les enfants en difficulté, à tous les jeunes vietnamiens et en fait à tous les enfants de la planète.

 

ANNEXE

 

Les lecteurs intéressés à consulter des articles, des photographies, des films et des dessins complémentaires réalisés au cours de projet Tre em-les enfants en difficulté du Vietnam peuvent consulter le portail Abandon, adoption, autres mondes de Le monde est ailleurs sous la section Défendre les enfants-Projet Trem à l’adresse électronique suivante : www.meanomadis.com

 

REMERCIEMENTS

 

La cueillette des données a été réalisée en septembre et en octobre 2003 avec la participation de M. Rémi Baril, président de « Le monde est ailleurs », Montréal, Québec, Canada,  de Mme Dorinda Cavanaugt, présidente de Terre des hommes Canada et de tous les directeurs d’orphelinats et ministères sociaux vietnamiens des différentes régions impliquées.

 

Les auteurs aimeraient également remercier Mme Van Lam Thuy, infirmière dans le service de maladies infectieuses de l’hôpital Sainte-Justine, Dr Nguyen Van Bang, médecin à l’hôpital Bach Mai d’Hanoi, Maître My Tram Duong, avocate à Montréal, Mme Marie Nguyen, pharmacienne à Montréal, Mme Ky Thi Xuân Trinh, assistante dentaire à Montréal, M. Brandon Cavanaugt, philosophe et président du conseil d’administration de Terre des hommes Canada et Mme Ginette Blais, secrétaire médicale au département de pédiatrie de l’université de Montréal pour leurs contributions respectives.

 

Tre em-les enfants en difficulté du Vietnam a été réalisé en partenariat avec Terre des hommes Canada, le département de pédiatrie de l’université de Montréal et plusieurs partenaires vietnamiens. Il a vu le jour avec le support financier du Ministère des affaires internationales et du commerce international du gouvernent canadien, également grâce à l’appui de l’Agence intergouvernementale de la francophonie à Paris, de la société Le monde est ailleurs inc, ainsi que de la Société de pédiatrie internationale. Le lancement des différentes facettes du projet a eu lieu à l’hôpital Sainte-Justine de Montréal, grâce à l’engagement de son directeur général, M. Kim Dao.

 

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MAI 2005

 

HEALTH STATUS, COGNITIVE AND MOTOR DEVELOPMENT OF YOUNG CHILDREN ADOPTED FROM CHINA, EAST ASIA, AND RUSSIA ACROSS THE FIRST 6 MONTHS AFTER ADOPTION

 

Andrée Pomerleau (a), Gérard Malcuit (a), Jean-François Chicoine (b), Renée Séguin (a), Céline Belhumeur (b), Patricia Germain(b), Isabelle Amyot (b), and Gloria Jéliu (b)

 

(a) Université du Québec à Montréal, Canada; (b) Hôpital Ste-Justine, Université de Montréal, Canada.

 

International Journal of Behavioral Development, 2005, 29 (5), 445–457

 







We compared health status, anthropometric and psychological development of 123 children adopted before 18 months of age from China, East Asia (Vietnam, Taiwan, Thailand, South Korea, Cambodia), and Eastern Europe (mostly Russia).

 

Data were collected close to the time of arrival, and 3 and 6 months later. Anthropometric measures included weight, height, and head circumference percentiles, and weight/height and height/age ratios (indices of acute and chronic malnutrition, respectively). We assessed cognitive (MDI) and motor (PDI) developments with the Bayley Scales of Infant Development (Bayley, 1993). At time of arrival, children presented physical, cognitive, and motor delays, as well as health problems. Growth parameters improved with time, but differently among the groups. East Asian children, in a better physical state at time of arrival, changed less than the others did across time. Children adopted from Russia globally had lower MDI than the others, while children adopted from East Asia had the highest PDI. Hierarchical linear modelling indicated that initial MDI was related to height/age ratio (index of chronic malnutrition), while its change over time was related to age at time of arrival. PDI was also related to height/age ratio, as well as to presence/absence of neurological signs at time of arrival. Infants with a higher risk index had lower MDI and PDI initial scores.

 


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AOUT 2002

 

LONG-TERM FOLLOW-UP OF CHRONIC HEPATITIS B VIRUS INFECTION IN CHILDREN OF DIFFERENT ETHNIC ORIGINS

 

George Marx (1) Steven R. Martin (1) Jean-Francois Chicoine (2) and Fernando Alvarez (1)

 

(1)Division of Gastroenterology, Hepatology and Nutrition, Sainte-Justine Hospital (2)Department of Pediatrics, University of Montreal, Montreal, Canada

 

JID 2002;186 (1 August)






The natural history of chronic hepatitis B in children is influenced by mode of transmission and varies with regional endemicity. Seroconversion rates were studied in 174 hepatitis B e antigen (HBeAg)–positive children who were of different ethnic origins and living in Canada.

 

Overall, 40.2% became anti-HBeAg positive, and 8.6% were hepatitis B surface-antigen positive during a mean follow-up of 4.5 years. Spontaneous seroconversion rates were lower in Asianborn, mainly vertically infected, children, versus those born either in Canada or where horizontal transmission predominates (24% vs. 44%, Pp.015). Kaplan-Meier analysis showed that the cumulative persistence of HBeAg after 13 years was 25% in Asian-born children, versus 6% in all others (P ! .05). Treatment of 27 children accelerated seroconversion by 3 years, without influencing the proportion seroconverting over time. Thus, although Asianborn children seroconvert more slowly, a large proportion will seroconvert before adulthood. Because treatment appears to accelerate anti-HBe seroconversion, longitudinal studies are required in order to assess the long-term benefits of early treatment.


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JUIN 1999

 

BILAN DE SANTÉ DE 808 CHINOISES NOUVELLEMENT ADOPTÉES AU QUÉBEC.

 

J.F. Chicoine*, l. Blancquaert**, L. Chicoine", M.F. Raynault***

*Clinique de santé internationale du service des maladies infectieuses, CHU mère-enfant Sainte-Justine, MONTRÉAL, CA. **phD, Conseil d'évaluation des technologies de la santé du Québec, MONTRÉAL, *** Direction de la santé publique de Montréal-Centre, MONTRÉAL.

 

Résumé présenté au 32e congrès de l'association des pédiatres de langue française, Paris, France

 

Introduction

L'adoption internationale constitue maintenant une réalité pédiatrique à part entière, préoccupée à la fois par la guidance auprès des adoptants que par le soin des adoptés et le respect de leurs droits. Entre 1993 et 1996, se réalisaient au Québec environ 2500 adoptions d'enfants venus d'une quarantaine de pays, majoritairement de Chine. Trois jeunes Chinoises sur quatre accueillies par le Québec étaient examinées à notre clinique.

 

Objectifs

L'étude dresse un portrait de certains aspects cliniques des jeunes adoptées et des résultats des bilans diagnostiques effectués peu après leur arrivée. Cette première évaluation permettra de mieux cibler le bilan de santé à réaliser et d'ajuster les recommandations à transmettre aux parents avant et après I'adoption.

 

Méthode

L'étude rétrospective porte sur une série consécutive de 808 filles d'origine chinoise examinées entre janvier 93 et décembre 96. L'examen des dossiers permet de décrire l'état staturo-pondéral à l’arrivée et de recenser les principaux problèmes cliniques. L'étude des 591 dossiers comportant 2 visites permet en outre de comparer l'évolution staturo-pondérale en fonction de la province d'origine, de l'âge au moment d’I’adoption et des caractéristiques anthropométriques à l'arrivée par rapport aux critères de malnutrition définis par I'OMS et aux courbes de croissance du NCHS utilisées en pratique courante par les pédiatres nord-américains.

 

Résultats

La découverte clinique la plus fréquente est l'insuffisance staturo-pondérale et dépend de l'âge à l'arrivée comme de la province d'origine. La proportion d'enfants présentant un poids et une taille inférieurs au 5e percentile nord-américain atteint les 50 % chez les enfants âgés de 18 à 24 mois ainsi que chez I'ensemble des enfants provenant de la province multiethnique du Hunan. Sur le plan nutritionnel, on a aussi pu documenter de I'anémie ferriprive ou thalassémique chez 17.8 % de notre échantillon et un rachitisme chez 3.6 %. Suivent en fréquence les problèmes infectieux: infections des voies respiratoires supérieures et inférieures, gastro-entérites (5 %), infections et infestations cutanées (6.5 % et 6 %); a noter que nous avons décelé 18 porteurs d'HbsAg (2.2 %), mais aucun porteur de VlH. Des erreurs portant sur l'âge réel des enfants ont été répertoriées. Les rattrapages du poids et de la taille sont très rapides au cours des premiers mois, dépassant largement les taux de croissance nord-américains et chinois pour l'âge. Le gain pondéral le plus rapide est observé chez les enfants les plus jeunes (p < 0.001) et pour ceux accusant les retards les plus importants (p = 0.001).

 

Discussion/Conclusion

Nos résultats permettent d'orienter I'intervention précoce relative à I'immunisation pré-voyage des parents et leur reconnaissance réaliste des difficultés transitoires ou chroniques à anticiper chez leur enfant tant sur le plan nutritionnel, infectieux que développemental. Sont également discutés dans le contexte de I'adoption en Chine les importances relatives des différents examens complémentaires du bilan de santé,

 

 

Présentation site LMEA par Rémi Baril, Juin 2011 /Révision juillet 2013

 

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